Le parfum du shincha, et brouillage de piste

A Shizuoka, les dégâts dû au froid sur les théiers furent considérables, causant, je l'ai déjà mainte fois évoqué, augmentation des prix et retard. Mais le théier est un arbre très résistant dont les feuilles se sont vite régénérées, et, depuis quelques jours, les thés de Shizuoka débarquent peu à peu, à l'heure actuelle, plutôt dans des gammes de prix élevées, mais maintenant, l'arrivée du gros des shincha des régions en plaines de Shizuoka n'est plus qu'une affaire de jours. Ajoutons que dans le même temps, les thés nouveaux du nord de Kyûshû, notamment Yame (Fukuoka) font leur apparition ici et là.

Il n'est pas un marchand de thé japonais qui n'ai eu affaire au moins une fois avec un client, âgé, revenant mécontent pour se plaindre du thé primeur acheté la veille. "Qu'est-ce que c'est que ça !!! c'est pas un shincha ça ! ça ne sent pas le shincha !!!!", voilà à peu près la teneur d'une plainte qui reviens régulièrement à propos des shincha. Bien évidemment, personne ne vend des vieux sencha en tant que thé nouveau. Faut-il donc penser qu'il existe un parfum particulier au shincha qui ne se fait plus sentir aujourd'hui ? Oui et non.
Il y a plusieurs dizaines d'années, on avait pour habitude de ne toucher que très peu aux thés que l'on vendra en tant que primeur. J'entends par là qu'on prenait un ara-cha, on triait tiges et poudre, mais on ne lui faisant subir qu'un hi-ire très très faible, voir pas du tout. On obtenait alors un sencha au parfum très vert, végétal, très frais, bref, très "primeur". Voilà ce qu'un certain nombre d'anciens attendent du shincha. Mais ce qu'ils ne savent pas (entre autre), c'est qu'il y a une raison très valable qui a fait que l'on ne pratique plus beaucoup comme ça : de cette manière, le taux d'humidité dans les feuilles reste très élevé, ainsi, le thé obtenu est impossible à conserver.
Alors, pour répondre à ces consommateur, de nombreux vendeurs, chaque année, présentent un thé en quantité très limitée, avec un hi-ire presque inexistant. Thé qui, une fois le sachet ouvert, doit être consommé sous 2 semaines. (rappelez-vous de mon petit shuntarô, hi-ire faible pour profiter "cru" d'une toute nouvelle variété, mais aussi pour faire très "shincha").
Aussi, un thé qui ne sera vendu que pendant la période du shincha sera souvent confectionné, avec un hi-ire faible. A l'inverse, un thé qui sera vendu toute l'année sera finalisé de manière plus classique.
Néanmoins, dire que ce parfum très "vert", ce parfum d'usine à thé, est celui propre au thé nouveau m'ennuie un peu. Bah oui, prenons un niban-cha 二番茶 (2nde récolte), sans hi-ire, ce thé aura cette même odeur, pourtant une seconde récolte n'a rien d'un primeur.

Retournons à nos moutons, arrivée progressive des thés nouveaux de Shizuoka, c'est pourquoi je vais présenter un thé nouveau, donc, de ..... Kagoshima, encore !!! Veuillez m'excusez de m'attarder sur Kagoshima, mais décidément, que du bon et surtout l'arrivée la semaine dernière d'une petit dernier en provenance de Kagoshima, très intéressant.
Il s'agit d'un sencha produit à Shifushi 志布志, avec, et c'est ce qui fait son originalité, le cultivar Yabukita. Oui, Yabukita représente certes 75% de la surface cultivée de thé au Japon (90% à Shizuoka !), mais Kagoshima est le département où Yabukita est le moins utilisé, 40% seulement. Dans ce département méridional, c'est le règne des cultivars hâtifs, en particulier de Yutaka-midori et autres cultivars à la saveur particulière héritée de Asatsuyu, qui donnent le ton du "goût de Kagoshima". On est très loin des Yabukita de Shizuoka et consorts.
Ainsi, c'était pour moi, et pour beaucoup en fait, une première que de se retrouver face à un Kagoshima Yabukita 100%. Et je dois dire que le résultat est des plus satisfaisant. On a une saveur sage mais affirmée, une délicieuse astringence que vient compléter avec délicatesse une douceur bien ronde en bouche, un brin crémeuse, mais "classique", loin des extravagances "amino-acidiques" des habituels thés de Kagoshima. En fait, rien n'interdirai, en dégustant ce thé, de penser qu'il s'agit d'un bon Shizuoka de plaine. C'est cela qui fait à la fois le défaut et la qualité de ce sencha : Il ravira ceux qui ont du mal avec la personnalité des Kagoshima habituels, et décevra les inconditionnel de Kagoshima et de ses cultivars.
C'est un beau fukamushi sencha, pas trop décomposé, quelques très belles feuilles très finement roulée, longue, et beaucoup de lustre sur un vert des plus agréables. Pour un thé à 1000 yens, voilà qui est de toute beauté.
 La liqueur n'est bien sûr pas aussi jolie que celle de thés obtenu avec des variétés telles que Sae-midori ou Asatsuyu, mais pour du Yabukita elle se défend très bien, un vert vif et lumineux, pas de quoi se rouler par terre, mais sans reproche.

Allez, cette fois-ci c'est promis, c'est a dernière fois que je parle d'un thé de Kagoshima pour un certain temps.

Commentaires

  1. Hi-ire ? J'ai besoin d'élaircissement.

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  2. Bonjour Nelly,

    le "hi-ire", c'est une phase de séchage de finition d'un thé japonais. Ainsi, un ara-cha devient un produit fini.
    Plus d'explication dans l'article "sencha" (dans la rubrique à droite "type de thé".

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  3. Bonsoir Flo, j'avoue me perdre un peu entre tous les types de thés et les régions que tu cites. Il me faudra reprendre tes articles de présentation pour un cours de rattrapage ;o)

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  4. Merci bien. Les termes japonais me sont totalement inconnus.

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