Thé nouveau et thé pas nouveau, Asatsuyu et questions de cultivars
Alors que les shincha venant de Kagoshima font leur apparition sur les étales, allant vers des prix plus raisonnables, c'est au tour des premiers Shizuoka (Makinohara 牧之原, Kakegawa 掛川...) de montrer le bout de leur nez avec comme prévue du retard. Chez Maruyama-en, les "réjouissances" commencent par un fukamushi-sencha cueilli main. Vraiment très joli d'aspect, difficile de croire qu'il s'agit d'un fukamushi, néanmoins, il s'avère un peu décevant, surtout comparé à son équivalent de l'an dernier ..... le froid a décidément bien causé des dégâts. Donc, ce n'est pas sur celui-ci que m'attarderai, même s'il reste excellent, mais pas assez pour son prix à mon goût. Attendons la suite, le gros de ce qui devra faire l'affaire pour l'année à venir.
Pour l'heure, je voudrai rester encore un peu sur Kagoshima, dont la production cette année non contente de ne pas décevoir, est plus que satisfaisante.
Voici l'occasion de parler un peu de Asatsuyu. Il s'agit de l'un des cultivars de thé japonais les plus anciens, enregistré en 1953, en même temps que Yabukita et 11 autres variétés. Asatsuyu fut créé à partir d'un théier "sauvage" (zairai-shu 在来種) de Uji. Bien qu'il ne représente pas 1% de la surface cultivée, il reste un cultivar très connu des fana de thé japonais, car il possède une puissante saveur caractéristique, que certains comparent au haricot de soja vert. C'est un thé très doux. Une autre caractéristique importante, est une très belle couleur, vert émeraude profond. On le surnomme parfois pour sa couleur et sa douceur "tennen gyokuro" 天然玉露, "gyokuro naturel".
C'est un cultivar de grande qualité qui sert de base à la création de nombreuses nouvelles variétés. Par exemple, les deux célèbres cultivar dont je parlai dans mon précédents billets en font parti : Yutaka-midori en est une mutation naturelle, et la star Sae-midori en est un croisement avec le poids lourd Yabukita.
Chaque année, l'arrivée du Asatsuyu Kagoshima nouveau est l'occasion chez Maruyama-en de la sortie sur réservation d'un produit atypique, provenant du "menu alternatif", proposé seulement à quelques clients fan de Asatsuyu, le "Jukusei Asatsuyu" 熟成あさつゆ. "jukusei" signifie "mûri", "affiné", etc. Il s'agit du Asatsuyu de l'an dernier, laissé vieillir un an dans des conditions particulières.
Aux dire des "anciens", on obtient alors un Asatsuyu à la saveur du Asatsuyu d'antan, la saveur originelle d'avant le boom de la culture du thé à Kagoshima, avide de cultivar autres que Yabukita, où le Asatsuyu aurait vu sa personnalité unique s'arrondir, devenir plus "théïquement correcte". Bon, je pense qu'il s'agit simplement d'une évolution naturelle que subissent plus ou moins les cultivars (à l'inverse, une grande stabilité est l'une des nombreuses raisons qui ont élevées Yabukita à pas loin 75% de la surface cultivée).
Voici nos deux compères, deux fukamushi sencha.
A gauche le Asatsuyu nouveau, à droite le Asatsuyu "affiné".
Le deuxième est plus fin, sa couleur est juste jolie, mais le shincha est bien plus beau, profond, avec plus de luxe. La forme des feuilles est peu uniforme, mais rien d'alarmant pour du fukamushi.
Ils seront infusés à l'habituel 70°C, 40 s pour le premier, 30 pour le second.
La liqueur du shincha est très belle, un beau vert vif, un peu clair pour un Asatsuyu. La liqueur du "vieux" est elle plus typique du Asatsuyu, un magnifique vert profond, cette fois ci vraiment foncée.Le shincha est doux, sans astringence, fort de la particulière saveur du Asatsuyu, ce fameux goût de "haricot" que l'on retrouve assagi dans la plupart des cultivars qui en sont issus. Si d'une manière générale on peut dire qu'on a là un thé fort, pour du Asatsuyu, celui-ci est très aérien et rafraichissant, probablement le "léger" de ceux que j'ai pu boire jusqu'à présent.
Cela est d'autant plus frappant lorsqu'on goute à la version vieillie. Voilà Ze Asatsuyu, un thé caractériel, tout en force, ou tout ce qu'on connait de cette variété se retrouve amplifié, j'y perçoit même jusqu'à des notes de charcuterie (désolé de ne pas savoir mettre de comparaison plus poétique, mais c'est comme que je le ressent). S'il s'agit vraiment de ce que donnait ce cultivar dans sa jeunesse, je comprend pourquoi la majorité des Asatsuyu actuels n'arrivent pas à satisfaire à 100% les amateurs de longue date. Je comprends aussi pourquoi ce cultivar possède également tant de détracteurs. En effet, cette saveur n'est pas faite pour plaire à tous. Pour ma part, je suis conquis !
Est-il besoin d'ajouté qu'il n'y a pas la moindre trace d'astringence, que ce thé est parfaitement douceâtre.
Heureux sont ceux qui ont cette année réservé les deux, et peuvent jouir de Asatsuyu dans deux extrêmes.
Quel dommage de ne pas pouvoir apprécier ces thés ici, en France...
RépondreSupprimersur 2 sites, j'ai eu vu respectivement du Asatsuyu de Kagoshima et du Sae Midori de Kagoshima. Le haut du panier ? ça je ne saurais dire. Enfin cela peut donner une idée, faut voir.
RépondreSupprimerIl est possible que les meilleurs, en plus petites quantités, et a fortiori le Asatsuyu affiné, passent par les boutiques.
Flo
RépondreSupprimerLe haut du panier ? Il est difficile de la dire seulement au cultivar utilisé, mais ça doit pas être mal....
"il est possible que les meilleurs (...) passent par les boutiques" ? quelles boutiques ?
Aussi, il me semble que le Asatsuyu affiné est un original Maruyama-en...
entends par là, "des boutiques situées au japon", dont toutes ne font pas de la vente à distance ; pour le Asatsuyu affiné, je n'ai pas voulu dire qu'il fût disponible dans d'autres enseignes que Maruyama-en, bien sûr, mais que a fortiori il est un exemple de produit "spécifique à un lieu de vente".
RépondreSupprimerOK, maintenant je comprends mieux !
RépondreSupprimerDésolé, parfois j'ai un peu de mal à réfléchir, lol.
En effet, les boutiques faisant de la vente en ligne, surtout vers l'étranger, sont rares, malheureusement....
Peut être un jour Maruyama-en....
yessss :)
RépondreSupprimersi un jour Maruyama-en... pour moi le Asatsuyu affiné.
Salut tout le monde,
RépondreSupprimerAyant eu la chance d'avoir un ami de passage au japon qui a bien voulu passer voir Florent, j'ai pu goûter cet asatsuyu : http://www.maruyamaen-honten.co.jp/item/item_detail/item_detail.php?inum=3121.
Effectivement, aucune astringence. Je l'ai cherchée un peu en montant à 45s, mais rien. Pour ma part, c'est peut-être l'eau d'ici qui fait ça aussi (je vais essayer avec une eau de source, mais mon eau est filtrée et a eu ses 5 min d'ébullition, tout de même...) mais personnellement je trouve ce thé trop aérien.
Ceci dit, je suis un novice en la matière mais cette première entrée en matière dans le monde des Asatsuyu me donne envie de quelque chose de plus charnu, certainement ce qui est recherché par l'affinage...
Bon, je me la pète quand même, hein :-P
Cheers
Pat
J'ai aussi pu goûter à cet Asatsuyu (Kagoshima). C'est assurément un bon Sencha mais je le trouve un peu trop classique. Le kabuse-cha et le shira-cha m'attirent par exemple davantage : davantage de corps et de plaisir gustatif.
RépondreSupprimerJ'ai une petite interrogation au sujet des feuilles infusées. Je prépare usuellement le thé japonais en zhong (contenance entre 5 et 12 cl suivant mon envie du moment) car il permet de mieux concentrer les arômes -- par rapport à la seule Kyushu que j'ai (de 20 cl).
Les feuilles se gorgent d'eau et, lorsque je verse la liqueur dans une coupe, j'en obtiens moins que ce que le thé pourrait donner...
Je me demande donc si certains ont des techniques particulières pour récupérer la liqueur restant dans les feuilles (et qui influence probablement les infusions suivantes puisque les feuilles continuent d'infuser dans cette eau retenue).
Si je presse les feuilles, j'obtiens bien de la liqueur (parfois presque autant que ce qui était sorti sans presser...). Mais faut-il presser ? Y a-t-il un ustensile adéquat pour cela ? (Ça brûle et c'est inélégant si j'ai vais au doigt... mais je peux manger les feuilles qui restent dessus... et c'est bon !).
Julien,
RépondreSupprimerNon, on ne presse pas les feuilles. On verse jusqu'à la fameuse dernière goûte, on secoue vivement de bas en haut la théière, comme un panier à salade un peu..... or cela n'est pas évident avec un gaiwan (zhong). En fait, cet instrument est des plus inadapté avec des sencha de type fukamushi. A la limite ça peu aller avec des gyokuro, kabuse, ou futsu mushi sencha de montagne au feuilles épaisses. Non, vraiment, le thé japonais est fait pour être infuser en théière ou hohin. Même dans une théière de 20cl, même si ce n'est pas l'idéal pour une infusion classique une personne (7cl d'eau), tu peux y aller. Dans la mesure ou tu fais des infusion à température plutôt basse, l'influence de la taille de l'ustensile existe, mais reste bien moins significative qu'avec la majorité des thés chinois. Exception, les kama-iri cha.
Enfin, non, le asatsuyu n'a rien de classique, le kabuse cha lui, l'est. En ce qui concerne le shira-cha, c'est un peu particulier....
Mais de toute façon, c'est avant tout une question de goût, pour ma part entre ces trois là, asatsuyu est mon favoris !
Merci pour ta réponse Florent.
RépondreSupprimerJe vais essayer l'Asatsuyu en théière 20cl (j'ai une Kyushu, poêlon japonais, en espérant que ça aille bien). Il faudra que j'investisse dans un bon hohin en terre poreuse un de ces quatre.
Réserves-tu un hohin pour chaque type de thé ? Car ils se culottent...
Ou peut-être vaudrait-il mieux que j'en prenne un en porcelaine...
J'adore la douceur particulière du Shira-cha. Atypique pour un thé japonais.
J'utilise un hohin en porcelaine, là encore, pour des thés infusés à basse température, c'est très bien. Par exemple, cela devrait être du meilleur effet avec le kabuse !
RépondreSupprimerQu'est ce tu veux dire par poêlon japonais ?
Pour être atypique, oui, le shira-cha est pour le moins atypique.
Ce que j'appelais « poêlon japonais » est une théière avec manche. Je pense que nous parlons de la même chose, si j'en crois la photo présente sur : http://sommelier-the-japonais.blogspot.com/2009/10/le-sencha.html
RépondreSupprimerBon, je vais partir en quête d'un hohin pour mieux apprécier les thés japonais. Merci pour le conseil.
Non, on ne presse pas les feuilles. On verse jusqu'à la fameuse dernière goûte, on secoue vivement de bas en haut la théière, comme un panier à salade un peu..... or cela n'est pas évident avec un gaiwan (zhong). En fait, cet instrument est des plus inadapté avec des sencha de type fukamushi.
RépondreSupprimerJe me suis procuré une petite théière de 9 cl en terre de Shigaraki, et cela change effectivement tout !
Un vrai régal que d'infuser dans un ustensile adapté : la qualité de la liqueur est bien meilleure, et je peux plus aisément soutirer aux feuilles leur ultime goutte.
(Je réserve désormais le zhong pour les thés chinois.)
Merci Florent.
Magnifique goût de haricot, que j'avais du mal à déceler en zhong.
Pas facile à trouver enfin presque mais pour moi l' Asatsuyu est un des meilleurs thé que j'ai gouté avec le Yukata Midori. Facile à préparer, pas d'astringence, très forte infusion et épaisse, petite quantité suffisante, plusieurs infusions possibles... Un best-of :)
RépondreSupprimerPour ceux qui désirent intervenir ou participer, bienvenus : http://www.facebook.com/#!/group.php?gid=21000026064