A partir de l’ére Meiji, le thé japonais à la conquête du monde

L’industrie du thé au Japon connu son plus important changement vers la fin de l’époque d’Edo. En 1854, conséquence de l’arrivée de l’américain Perry en 1853, le Japon s’ouvre à l’étranger et au commerce international. Cet évènement est à l’origine de troubles qui conduiront à la chute du gouvernement des Tokugawa et à la restauration du pouvoir impérial en 1868. Une ère de croissance et de modernisation s’ouvre.

En 1953, une jeune femme, Ôura Kei 大浦慶, par l’intermédiaire d’un marchand hollandais de Dejima à Nagasaki, fait parvenir en Angleterre et aux Etats-unis un échantillon de thé de Ureshino 嬉野. Un marchand anglais lui fit alors une énorme commande, impensable à l’époque. La jeune femme réussi à réunir 6 tonnes de thé de Kyûshû pour répondre à cette commande, qui fut expédiée aux USA. Parmi les très divers thés réunis, figurait du sencha, qui reçu un accueil particulièrement bon. Cet évènement marqua le début de l’export du thé japonais.

Précisons que quelques temps auparavant, la guerre de l’opium avait rendu l’importation de thé en occident très difficile, le thé venant alors presque exclusivement de Chine. On cherche alors des exportateurs de rechange. Toujours est-il que, fortement encouragé par le gouvernement des Tokugawa puis de Meiji, la production et l’export du thé, essentiellement du sencha à destination des USA, prendra des proportions considérables, au point que ce commerce fut, après celui de la soie, le deuxième moteur de la croissance du Japon. Entre 1883 et la première guerre mondiale, la production annuelle tourne entre 20000 et 40000 tonnes, dont 90% sont destinés à l’exportation.

A une époque de modernisation, la production de thé se mécanise. En 1892, Takabayashi Kenzô 高林謙三 (1832-1901) met au point la première machine à chauffage à la vapeur du thé (mushi-ki 蒸し器), puis en 1892 la machine à malaxage et séchage des feuilles (sojû-ki 粗揉機). D’autre invention suivront, pour mener à une production entièrement mécanisée.

Le gouvernement de Meiji entreprit également le développement de la production de thé noir et de thé Oolong, faisant venir de Chine des spécialistes.

A la fin du 19ème siècle, le thé japonais connu quelques coups dur aux USA, notamment à cause de produit frauduleux (pas du thé, feuilles teintes, …) qui rendra les américains méfiants. Encore une fois le gouvernement s’emploie à empêcher la vente de tels produits, et à diffuser les techniques de fabrication d'un sencha propre à satisfaire les exigences des importateurs américains. Si certains producteurs ont volontairement mis sur le marché des produits frauduleux pour profiter de ce juteux business, d'autres, n'ayant jamais fabriquer que des bancha locaux, n'avaient simplement aucune idée de ce que pouvait bien être ce fameux sencha, et quand on leur demanda de produire du thé pour l'exporter, ils ont alors fourni le seul thé qu'ils savaient faire.

En 1908, Okakura Tenshin 岡倉天心 présente la culture du thé dans un livre écrit en anglais, The Book of Tea, et publié à New-york.

Néanmoins, l’après première guerre mondiale vu une baisse importante de la demande de thé japonais en occident, où les changements des habitudes alimentaires font naître une domination presque exclusive du thé noir. Trouver de nouveau marché est nécessaire pour cette gigantesque industrie qu’est devenu le thé au Japon. On se tourne alors vers les pays musulmans, traditionnellement demandeur de thé vert, du Moyen-Orient et de l’Union Soviétique. Seulement, dans ces pays, on a l’habitude de boire du thé vert chinois de type kama-iri, dont les feuilles sont courbées, frisées, et dont l’oxydation est stoppée par chauffage direct dans une poêle. Or, les installations japonaises sont prévues pour la production de thé sencha dont l’oxydation est stoppée à la vapeur, et dont le processus de malaxage et de séchage donne des feuilles droites et fines. Impossible de fabriquer de manière industrielle du thé avec chauffage direct, en revanche, il est possible, en sautant une des phases de malaxage d’obtenir un « sencha » aux feuilles ayant un aspect proche du thé kama-iri. En 1932, ce nouveau thé japonais prend un nom officiel: mushisei-tamaryokucha 蒸製玉緑茶, par opposition au kama-iri-sei-tamaryokucha 釜炒り製玉緑茶.Uun thé aux feuilles avec ce type de forme était auparavant appelé guri-cha ぐり茶, ainsi on a avec la méthode à la vapeur du mushi-guri 蒸ぐり et, avec la méthode par chauffage direct du kama-guri 釜ぐり. On l'appelait aussi parfois "yonkon"  ヨンコン.

Mais une nouvelle fois, la seconde guerre mondiale mit fin à ce commerce. De nombreuses plantations de thé sont remplacées par des pommes de terre.
A la fin de la guerre, la production de thé reprend, et pour une très courte durée prend la route des USA, en tant que produit d’échange contre les aides alimentaires que fournissent les américains au Japon. Après ce répit, il est encore une fois nécessaire de trouver un marché pour ce thé, et, les troubles en Chine causés par la révolution culturelle, dirigera le thé japonais naturellement vers les pays musulmans consommateurs de thé vert, du Moyen-Orient jusqu'à l’Afrique du nord. Encore une fois, c'est du mushisei-tamaryoku-cha que le Japon exporte vers ces pays.
Néanmoins, un nouveau concurrent fait son apparition, Taiwan. Ce pays, colonie du Japon jusqu'à la fin de la guerre à déjà de bonnes infrastructures pour la production de thé, notamment de tamaryoku-cha, mushi-guri. En effet, l'occupant japonais s'était employé à y développer la culture du thé, de la même manière que l'Angleterre le fit en Inde. Il faut ajouter à cela que Taiwan ne fut que peu touché par les bombardements, et par conséquent, il suffit d'avoir de main d'œuvre pour remettre en route le business.

Aussi, vers le milieu des années 50, la Chine se remet de ses troubles, et les exportations peuvent reprendre. De cette manière, les pays de l'Afrique du nord et du moyen orient, importateurs de thé vert, ont le choix entre du thé kama-iri venant de Chine, et du mushisei-tamaryokucha venant du Japon ou de Taiwan. Trois fournisseurs c'est au moins un de trop. Le premier à tomber sera inévitablement le Japon, incapable de concurrencer les deux autres au niveau des coûts, la main d'œuvre y étant déjà trop cher.

Mais, à ce point de l’histoire, un nouveau marché va s’ouvrir de lui-même : le Japon !

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