Goishi-cha

Le goishi-cha 碁石茶, en provenance de Shikoku, département de Kôchi, est probablement l'un des moins inconnus de ces précieux bancha régionaux. Non pas qu'il soit produit en quantité importante, ni même largement commercialisé dans tout le pays, non, c'est juste que sa forme particulière marque les esprit d'une poignée de maniaque du thé japonais. De gros morceaux de feuilles sombres, empilées, compactes.
 
J'en ai déjà parlé ici, mais il s'agit donc d'un thé japonais dit "post fermenté" 後醗酵茶, d'abord chauffé après la cueillette comme pour un thé vert, puis fermenté sous l'action de bactéries ou de moisissures. Cela le place dans le catégorie chinoise des thés noirs, 黒茶.
Ici, la l'oxydation est stoppé par trempage dans l'eau bouillante. Ensuite, les feuilles sont étalées et recouvertes d'une paillasse dans le but d'y faire apparaître des moisissures. Ensuite, les feuilles sont placées tassées dans une cuve fermée dans le but de les faire fermenter. le bloc produit est alors coupé en morceaux plus ou moins carrés, puis séché au soleil.

Il en résulte un produit riche en bifidus, donc bon pour notre fragile flore intestinale....mais peu importe, quant est-il du goût ?

C'était avec un certaine appréhension que j'ai ouvert le sachet. Quelle odeur pourrait bien surgir de ces feuilles fermentées ? Les japonais font fermenter de nombreuses choses, et le parfum est alors parfois violent. Mais avec ce rare thé japonais il n'en est rien. Un léger parfum de feuilles mortes, comme l'odeur d'une rue bordée d'arbres en automne alors que les feuilles mortes ne sont pas déblayées et se décomposent lentement sur le trottoir.

Comment préparer un tel thé ? En principe, il faut le faire bouillir, mais sur le conseil de M. Takau, je les prépare dans un théière avec de l'eau bouillante. Combien de temps ? Je ne sais guère, disons un certain temps, plusieurs longues minutes, ici, pas de malaxage, donc l'infusion est très lente, ainsi, mieux vaut lui laisser du temps.









La liqueur est sans surprise jaune-brune, plutôt brune en fait. Au parfum de feuilles sur le trottoir s'est ajouté un parfum assez intéressant, qui me rappelle vaguement une saveur de rhum-raisin, avec un petite note d'amande. Pas désagréable. Le goût n'est pas très marqué, doux, il est couvert par le parfum. En fait, voilà, c'est assez bon, enfin, disons plutôt que l'on peut vite en devenir accro. C'est rafraîchissant, facile à boire en grosse quantité (comme un bancha...), et sans être transcendé, ce thé est une agréable surprise.

Aussi, je n'ai pu m'empêcher de tenter bouilli. Pas de changements fondamentaux, mais une montée en force du parfum et du goût. Le premier prend sérieusement au nez, et le second se voit porté par une certaine acidité un peu difficile.
Pour être bu comme ça, une infusion "classique" à l'eau bouillante est finalement un bien meilleur choix. Je ne le referai pas bouillir de sitôt. Il m'a même semblé voir apparaître ensuite des genres de moisissures dans le fond de la bouilloire....
Il faut garder à l'esprit que ce genre de thés sont bien à la base une composante du repas, un ingrédient pour la préparation de sortes de bouillie de riz. (voir ici)


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Commentaires

  1. Peut être qu'une infusion qui rappellerait le gong fu cha lui conviendrait, j'entends eau très chaude, petit volume d'infusion avec beaucoup de feuilles. Ça fait assez penser à un shu cha comme ça.

    Toujours très intéressant en tout cas.

    Merci.

    ++

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  2. Bonjour David,
    oui, je pourrai, pour voir, tenter avec un tout petit volume d'eau....mais j'ai un peu peur de l'acidité. Qui ne tente rien a rien. Ce serait une façon de faire à l'extrême opposé de l'utilisation habituelle des bancha....mmm, oui en effet, très intéressant, je m'en vais essayer de suite !!!

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  3. C'était une bonne expérience. Arômes et saveurs gagnent en puissance, et finalement on se rapproche donc de la liqueur obtenue en faisant bouillir ce thé. Donc, apparition d'une désagréable acidité. Pourtant, cette dernière est alors plus ou moins couverte par les arômes, plus condensés. La liqueur est un peu sirupeuse, et cela m'a permit de remettre le doigt sur ce que me rappelle l'arôme de ce thé : du porto.
    Cette méthode à pour qualité d'obtenir quelque chose de très fort en très peu de temps. Et aussi de faire une utilisation originale d'un bancha.
    Merci pour l'idée !

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  4. De rien. Pour certains wulong, comme tu as peut être pu le lire, l amertume qui apparait au bout de 30-40 secondes d'infusion est susceptible de disparaitre au profit d autres choses si on pousse plus.

    Je ne sais si cela serait la même chose avec l'acidité dont tu parles.

    En tout cas, toute expérience est bonne à faire, on en ressort toujours plus fort ! :-)

    Bonne semaine.

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  5. Bonjour,
    j'imagine que ce thé n'est pas trouvable en France...

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  6. Virgile,
    Oui, je pense que ce thé doit être pour le moins introuvable en France, il est déjà très dur à trouver au Japon ! Il n'y a qu'une poignée de producteurs, des gens très âgés en général, qui, comme c'est le cas pour la quasi totalité des ces bancha, n'arrivent pas à trouver des successeurs. Disparition proche, donc. Le goishi-cha, très particulier, possède il me semble des assoc de soutien, qui pourraient peut être lui permettre de se perpétuer, même à échelle minuscule.

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  7. Je t'en prie, tout le plaisir est pour moi. C'est toujours une grande joie que de parler de thé japonais, et de thé en général par ailleurs !

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  9. j'ai trouvé un pdf qui est une fiche de composition biochimique du goishicha. si tu as un mail je pourrais te faire parvenir si ça t'intéresse de voir ce que ça vaut et si ça corrobore tes connaissances. Il semble que oui de l'acide lactique, mais dans les lactofermentations par exemple c'est souvent source de douceur de goût. mais selon la matière j'imagine qu'il n'est pas surprenant de trouver des variations.

    as-tu fait un rinçage eau bouillante ?

    si oui, peut-être pourrais-tu tenter de commencer par faire un rinçage avec eau à température ambiante --ensuite tu places dans un ustensile préchauffé et tu rinces classiquement. je fais ça avec le liu an (qui lui par contre n'est pas "acide"), et il me semble que cela fait une différence (premières liqueurs adoucies).

    à supposer bien sûr que le rinçage fasse partie de la préparation de ce thé, mais vu son élaboration pourquoi pas même si ce l'est pas "usuel".

    chose qui a pu compter aussi : le temps d'infusion. si tu as fait court (sous les 30s), tente peut-être de prolonger (à la mn). l'idée est là de chercher le point où des arôme autres que l'acidité, si elle est un arôme précoce, viendront la balancer.
    si au contraire tu as choisi de faire "long" (jusqu'à 2mn), cela peut signifier que l'acidité est un arôme tardif, donc l'idée serait au contraire arrêter l'infusion avant qu'il ne s'exprime.

    peut-être aussi que c'est tout simplement dans le caractère de ce thé, auquel cas... c'est de l'ordre du "c'est comme ça".

    sinon, le goishi cha est-il un thé de garde, ou est-il consommé dans la foulée de sa production ?

    /flo

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  10. Tout d'abord, merci à tous, je suis ravi de voir la ferveur provoquée par le goishi-cha. Je tâcherai d'en toucher un mot à M. Takau que cela fera sans doute doucement rire.

    Carrénumérotrois, merci pour tous ces avis ! Mais sincèrement, remettons les choses à leur place. S'il y avait moyen de tirer quelque chose de vraiment divin de ce thé japonais insolite, ça se saurait, depuis longtemps. L'intérêt de ces bancha, est, comme expliqué dans l'introduction à cette section (que je tâcherai d'étoffer un jour) est avant tout historique, ethnographique. Ils sont des témoignages formidables du thé que pouvaient produire et consommer le peuple japonais avant la période de croissance. Leur mode de fabrication, quasi identique à des thés mangé de l'asie du sud-est, montre que la diffusion du thé est bien antérieur à Lu Yu et autre Eisai ou Eichû. Et surtout elle lié au repas, et plus encore au riz.
    Ils sont passionnant pour quiconque s'intéresse de près à l'histoire du thé. M. Takau ne les vend pas parce qu'ils sont bons, mais pour leur valeur en tant que documents. Documents qui sont sur le point de disparaître, comme une bibliothèque qui prend feu. La réaction de Fortunato (que ce dernier à effacé) est un peu excessive (mais c'est dans sa nature) mais finalement plutôt juste dans le fond, le goishi-cha n'est pas fait pour combler les amateurs de thé, mais bel et bien les amateurs de l'ethnologie du thé (là je surinterprète beaucoup ses propos, lol). N'oublions pas que ce thé n'a jamais était produit dans le but d'être bu en tant que tel.
    Ceci dit, Carrénumérotrois, je continuerai à m'amuser un peu avec, pour voir. Car comme je l'ai déjà dit, le goishi-cha reste loin d'être infâme. (Je serai néanmoins moins positif avec le suivant, le Awa-bancha.) Et puis comme ça je pourrai peut être me lancer dans la culture de bactéries en théière !

    Est-ce un thé de garde ? Non, ou tout au plus jusqu'à la récolte suivante. Il est de suite utilisé pour préparer le riz.
    A part cela, je pense qu'il doit y avoir moyen de m'envoyer un mail via blogger, je pourrais y répondre après directement à partir de ma messagerie.

    Encore un grand merci à tous, pour votre curiosité et votre implication.

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  11. ah, ok je saisis. je voyais décidément le goishi cha avec un peu d'optimisme gustatif. je crois qu'il a attiré notre attention et attisé notre intérêt à tous parce que nous avons plus ou moins pensé à un lointain cousin des hei cha chinois.
    :)

    /flo

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  12. D'un point de vu purement technique, le goishi-cha est classé parmi les hei-cha (jp. kuro-cha 黒茶), mais cela n'engage en rien le réelle valeur gustative de celui-ci...Il n'est pas un lointain cousin, il est un frère maladroit.

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