Trois gyokuro, de Kyûshû à Uji-Kyôto

Pour avec les thés de Kyûshû de ma sélection, je vais parler d'un gyokuro de Yame (dép. de Fukuoka), ce qui m'amène à ma zone géographique suivante, avec deux autres gyokuro, en provenance du dép. de Kyôto.

Fukuoka et Kyôto sont les deux grandes régions de productions de gyokuro, a 50/50 en quasi monopole (on en fabrique ailleurs mais dans de faibles quantités qui ne sont pas comparables).
Si le Uji Gyokuro 宇治玉露 est de loin le plus connu du grand public, le Yame Gyokuro 八女玉露 est tout aussi apprécie par les connaisseurs.

Voila pour le paysage. Mais qu'est ce que le gyokuro 玉露 ? Pour faire simple, il s'agit d'un thé dont les arbustes sont couverts environ vingt jours avant la cueillette. Ce faisant, on obtient un thé très riche en théanine, acide aminé responsable de la douceur du thé. Il s'en dégage aussi un parfum très particulier appelé "ooi-ka", que l'on retrouve chez le matcha et kabuse-cha, eux aussi issus de la culture ombrée. Passée la cueillette, le mode de fabrication ne diffère guère de celui du sencha.

Le gyokuro est un thé très doux, douceâtre même. Sa saveur est très particulière et la manière de le préparer l'est tout autant. C'est la douceur qui est mise en valeur. Pour cela, on utilise beaucoup de feuilles, très peu d'eau. Pour quatre à cinq grammes de feuilles, on n'utilise que 30 ml d'eau environ, a 50° C pour la première infusion. Il n'en ressort que quelques petites gouttes d'une liqueur très forte, concentrée, riche, mais sans astringence. C'est une sorte de luxueux espresso de thé japonais.
                                             Gokô                    Samidori                Okumidori

Les trois gyokuro de ma sélection sont tous des gyokuro de haut vol, car il me semble qu'un gyokuro bas de gamme n'a pas d'intérêt.

Comment présenter ces trois thés ? Par leur différence la plus évidente:
Les cultivars.
Pour les deux de Kyôto on a respectivement Gokô et Samidori. Tous deux sont de célèbres cultivars dédiés à la culture ombrée, fréquemment utilisés également pour le matcha.

Pour celui de Yame, on a Okumidori. Cultivar à sencha relativement répandu, populaire pour sa belle couleur et sa douceur. Voila une particularité que l'on retrouve fréquemment avec les gyokuro de Yame, l'utilisation de variétés de grande qualité, donc tendant naturellement vers la douceur, mais à l'origine destinées à la culture ouverte. J'ai déjà évoque plusieurs fois sur ce blog des gyokuro de Yame avec le cultivar Yamakai.

Infusion:
Alors qu'il me semble que 2 minutes soient parfaites pour les deux Uji, je ne laisse infuser qu'1min30s celui de Yame.

Gokô est sans conteste celui qui dégage le parfum le plus fort, une fragrance complexe fruitée et sucrée.

Les deux Uji sont les plus douceâtres et épais, alors que, dans la douceur du Yame, je perçois une note stimulante et rafraichissante. Cette différence est significative de la différence entre cultivar classique et cultivar pour culture ombrée.

Pour ce qui est de la puissance de la saveur, Gokô (Uji) et Okumidori (Yame) rivalisent, alors que Samidori (Uji) se montre plus velouté.


La saveur de Gokô évoque fruits murs et fruits sec, comme des notes de raisins noirs et de pruneaux. Cette saveur résiste bien aux influences successives, et même a la troisième, l'astringence ne se fait quasiment pas sentir.

Samidori, lui aussi très doux, montre des saveurs fruitées plus discrètes, et m'apparaît comme plus vanillé, avec notes de beurre cuit. Au fil des infusions, cela s'estompe pour laisser apparaitre de subtiles touches de raisin blanc, et une légère astringence a la troisième.




Enfin, venons en à mon Yame, cultivar Okumidori. Côté puissance, sa saveur n'a rien a envier au Gokô. C'est un gyokuro de grande qualité donc on reste bien sur dans un registre proche, de la douceur, de l'umami ! Mais avec celui ci je n'emploierai pas de terme de "douceâtre", car on y perçoit une touche stimulante, verte, qui vient en contre point de la douceur. Très difficile a définir par des mots oserai-je parler de nuances qui nous amène ici dans le domaine de la noix ou la noisette?

Peut-être que ce gyokuro a moins d'impact que les deux premiers pour qui découvrirai ce type de grand thé très particulier, mais je pense aussi que le risque de se lasser est aussi moins grand. Il y a de la légèreté dans cette force de goût, une poussée de l'astringence au fil des infusions qui apporte, fraicheur et couleur a l'univers feutré des gyokuro.

 A gauche, "pendant la 2ème infusion", on voit comme très peu d'eau est utilisé.
 A droite, liqueur de la 2ème infusion.





Le gyokuro est un genre complexe, aux saveurs très changeantes, que ce soit en fonction de petites différences d'infusion, qu'au fil du temps, si bien que je craints d'avoir été incapable d'en décrire la profondeur.


Après ce voyage qui nous a amené de Kyûshû au Kansai (région de Kyôto et d'Ôsaka), je resterai la prochaine fois dans cette région du Kansai avec deux Kabuse-cha, l'un de Kyôto, l'autre de Mie (Ise-cha).


Commentaires

  1. J'ai dégusté hier soir le samidori.
    Les sensations ressenties correspondent vraiment à ce que tu décris, à commencer par la douceur, une douceur végétale qui perdure tout au fil des deux premières infusions.
    A la troisième, les saveurs végétales laissent la place à un peu plus de saveurs fruitées mais je n'ai pas ressenti de grande astringence.
    La quatrième infusion, je l'ai poussée un peu plus longtemps afin de terminer sur une note un peu plus tonique d'astringence. Là, plus de saveurs végétales, mais une liqueur légère à très faible astringence, l'idéal pour terminer cette dégustation. Merci pour cet excellent produit!

    Dimitri

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  2. Merci beaucoup pour tes commentaires Dimitri.

    La méthode d'infusion, et plus encore, les différence entre individu font parfois ressentir les choses de manière différente. C'est ce qui fait que le thé, comme tant d'autre chose n'est pas (toujours) une science exacte. Et heureusement !
    Bonne suite pour tes dégustations !
    Florent

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  3. Salut Florent,
    Comment ça va à Tokyo, tu n'as pas été touché ?

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  4. Salut Pat,

    Merci, pour l'instant j'ai été épargné, et ne vais pas trop mal.

    Je prie pour que la situation évolue enfin vers des horizons plus positifs !

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  5. J'ai pu goûter les gyokuro de Samidori et de Gokô. Deux merveilles. Vraiment un délice de les savourer.

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  6. Encore une fois, merci pour tes charmants commentaires. Voir les thés que j'ai sélectionnés pleinement appréciés me rempli de bonheur !

    Les grands gyokuro sont toujours une expérience unique et profonde.

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