Sayama-kaori en quatre exemples

 A l’occasion de la sortie du Sayama-kaori de Dôsenbô, je vais évoquer un peu ici ce cultivar.

Celui-ci fait partie des quelques cultivars à s’être bien développé dans tout le Japon à partir des années 70. Il représente encore 2% de la surface cultivée, ce qui n’est pas rien. Pensez qu’il y a plus de 120 cultivars enregistrés, et que Yabukita représente toujours plus de 70% d’entre eux. En fait seuls Yutaka-midori (6%), Saemidori (4%), et Oku-midori (3%) sont plus répandus que lui actuellement.

Pourtant Sayama-kaori est en constante perte de vitesse, poussé vers la porte de sortie par les nouveaux cultivars, mais aussi plus simplement parce qu’il est souvent peu apprécié, à tort selon moi.

Bien qu’il soit comme son nom l’indique un cultivar représentatif des thés de Sayama, il fut en fait sélectionné dans le département de Saitama à partir de graines de Yabukita produites en 1947 à Shizuoka. Il fini par être enregistré en 1971.

C’est un théier robuste, assez productif, aux pousses lourdes. Il est très résistant au froid. La cueillette a lieu en même temps ou un peu avant Yabukita selon le lieu de culture.

Avec sa couleur un peu sombre, et sa tendance à développer facilement de l’astringence, il peine à trouver des supporters aujourd’hui alors que l’industrie japonaise du thé ne semble donner d’importance qu’à la couleur de l’infusion (verte vive) et à l’umami. Même dans son berceau Saitama (thé de Sayama), beaucoup de producteurs ne le considère plus que comme un cultivar de second ordre face aux nouvelles stars locales que sont par exemple Yume-wakaba, Fukumidori ou encore Oku-haruka.

Pourtant, Sayama-kaori possède un parfum fort et distinctif, sans flétrissement, qui en fait selon moi un cultivar précieux qui mérite aujourd’hui, avec l’intérêt pour les thés d’origine et la variété des arômes, d’être réévalué.

Il reste vrai que tous les Sayama-kaori que l’on trouve ne sont pas satisfaisants, le défaut (astringence) trop souvent présent, et la qualité (parfum frais et floral caractéristique) trop souvent absent. Et ce d’autant plus lorsqu’il s’agit de fukamushi issus des difficiles zones de plaine de Sayama. Ironiquement, on le voit souvent mieux adapté à des zones de montagne, à Shizuoka par exemple, les zones fraiches lui convenant mieux que les chaleurs des plaines japonaises.

Il me semble aussi par ailleurs que les arômes typiques de Sayama-kaori supportent mal une torréfaction finale forte.

Il se trouve que cette année j’ai pu mettre la main sur plusieurs Sayama-kaori très intéressants.

D’abord il y a eu celui de Tomochi à Umegashima (Hon.yama, Shizuoka), un thé d’altitude dont le propriétaire à pris sa retraite, et que j’ai fait récolter et fabriquer par un autre producteur. Malgré la récolte un peu trop tardive, le résultat était (il n’est plus disponible) bien au-delà de mes espérances.

Un fukamushi en provenance non pas de Sayama mais d’une autre zone de plaine du nord de Tokyo, Sashima (Ibaraki) qui pour le coup est un exemple réussi d’un Sayama-kaori de ces régions.

Un de Sayama, mais produit avec flétrissement.

Et enfin celui de Dôsenbô, cette région de production de thé de montagne de Kyôto, dans le village de Minami-Yamashiro. Je propose depuis des années le Oku-midori et Kanaya-midori de ce producteur, et attendais depuis longtemps qu’il fasse son Sayama-kaori en sencha non-ombré, alors qu’il en faisait jusqu’alors un tencha (matériau non moulu du matcha) bon marché. Là encore le résultat est à la hauteur. 

C’est un échantillon qui donne une variété de style et des régions de production pour Sayama-kaori, toujours sans ombrage néanmoins.

Dôsenbô (Minami-Yamashiro, département de Kyôto)

 Ici, le parfum typique de Sayama-kaori (fleurs bleues type, violettes, etc) est bien identifiable, se marient avec élégance à des senteurs plus fraiches et vertes. Il y a une sensation très légèrement boisée.

L’infusion est très équilibrée, avec une subtile touche astringence mais surtout un agréable mélange umami/sucré.

Tomochi (Umegashima, département de Shizuoka)

 Avec ce thé d’altitude, les parfums typiques de Sayama-kaori sont très forts et perceptiblent de manière très évidente.

L’infusion est légère, aucune astringence, légrement sucrée et très fluide, mais aussi très aromatique.

Sashima (département de Ibaraki)

 Avec ce fukamushi de plaine, on change de registre, et pourtant, là encore, on remarque, certes moins dense que sur les précédents, les arômes floraux particuliers de ce cultivar, avec une claire sensation sucrée et minérale.

L’astringence est ici plus marquée mais agréable. De fait, même si l’infusion a une certaine épaisseur, elle reste bien fluide.

Sayama (Iruma, département de Saitama)

 Ce dernier sencha est réalisé avec un processus de flétrissement avant l’étuvage. Ainsi, nous avons un parfum floral très dense typique des thés flétris peu ou pas oxydés, mais en arrière-plan on retrouve des nuances qui viennent rappeler qu’il s’agit d’un Sayama-kaori. C’est aussi très frais et vert.

L’infusion est aussi très aromatique sur le palais avec une touche d’astringence. 

 Cette dégustation montre d’abord que Sayama-kaori peut décidément rivaliser du point de vu l’intensité et de la personnalité du parfum avec quelques-uns des cultivars plus en vogue type Kôshun ou Sôfû par exemple. Je dois néanmoins admettre qu’il reste peut-être un peu moins facile d’accès que, là encore, un Kôshun, ou bien sûr un Yamakai bien plus rond. Sans pouvoir devenir le thé à recommander sans se tromper à tout le monde, il possède sans l’ombre d’un doute la capacité de réunir une quantité de fans. Enfin, en ce qui concerne le flétrissement à la mode depuis quelques années, conforme à sa réputation, il s’y prête effectivement bien. Néanmoins, naturellement suffisemment typé du point de vue du parfum, il ne me semble pas non plus que cela apporte un plus réel. De ce point de vue le constat est très différent de celui que l’on doit faire avec Yume-wakaba ou Fukumidori par exemple, pour lesquels le flétrissement est justement ce qui apporte leurs arômes si distinctifs.

 

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