Yamacha "zairai" de Tosa

On trouve aujourd'hui sur l'île de Shikoku à l'ouest de la ville de Kôchi la ville de Tosa, mais historiquement, la région de Tosa correspond à l'actuel département de Kôchi dans son ensemble. Aussi, on désigne souvent par "thé de Tosa", les thés produits dans ce département.

Par ailleurs, il est important d'expliquer ce que l'on appelle au Japon "yamacha", littéralement "thé des montagnes". Quand on parle de plantation en montagne, sur des pentes en générale, on emploie en japonais "yama no ocha". Mais "yamacha" désigne quelque chose de diffèrent, et surtout très rare. Il s'agit de jardin ou groupe de théiers poussant en effet dans les montagnes, de manière assez dispersée, généralement au milieu de forêt. L'impression est très différente de celle d'une plantation avec des arbustes poussant serrés en ligne. Avec ces "yamacha", on est bien sûr sur du "zairai", c'est à dire des théiers indigènes issus de graines (et non pas de boutures comme les cultivars). C'est ce type de théiers, poussant de manière "presque" naturelle, que l'on trouve un peu partout au Japon mais essentiellement à Kyûshû, Shikoku, mais aussi à Shizuoka ou dans la région de Nagoya, entre autre, qui a fait pensé à tord que la thé aurait exister depuis toujours au Japon, avant même l'introduction de théiers venant de Chine. En réalité, l'origine de ce type de "yamacha" est bien humaine. Il faut comprendre qu'au Japon, comme dans de nombreuses régions de Chine ou d'Asie du sud-est, les populations locale utilisent depuis de temps très ancien en montagne l'agriculture sur brûlis. Si cela pouvait être utilisé pour des céréales, cela l'était aussi pour le thé (de consommation locale, type bancha probablement). Ainsi, après que ce type de pratique ait disparu en montagne et que la forêt ait repris ses droits, des théiers ont pu continuer à pousser et même à se reproduire dans des forêt pas trop dense. Cas de figure moderne, au 20ème siècle particulièrement, les montagnes furent exploitée pour la sylviculture, ainsi, de nombreuses forêts ont été plantée pour la production de bois. Très souvent on a pu planté au dessus d'anciennes cultures sur brûlis où existaient des théiers. Quant cette activité a commencé à péricliter après la période de haute, croissance, forêt et théiers ont commencé à coexister. Aussi, à partir du petit groupe de théiers "zairai" et des graines qu'ils génèrent, ces jardins, autrefois plantés de main d'homme on pu s'étendre de manière naturelle. En voyant un jardin comme ceux des photo ci-dessous (ici les théiers sont taillés) on peut comprendre que quelqu'un ne connaissant pas l'histoire de la culture en montagne puisse se méprendre et penser qu'il existe des théiers originaires du Japon.
Ce type de jardin, ayant perduré d'une manière ou d'une autre au milieu de forêts, n'est que très peu exploité au Japon. On comprend bien sûr que leur exploitation soit peu adaptée aux méthodes modernes. Ces yamacha réclament une récolte manuelle, et sont aussi peu productifs. Pourtant ils sont aussi un témoignage d'habitudes de vie passées, et un exemple du théier dans son milieu le plus naturel. C'est ce théier en tant que plante vivant sous les arbres, qui a justement intéressé Mme Kunitomo, qui travaille justement dans la sylviculture à Kôchi (Shikoku). Elle a commencé il y a une dizaine d'année à exploité des jardins yamacha découvert abandonnés ici et là des les montagnes de Inochô au nord de Kôchi. Sur différents jardins, elle utilise des méthodes d'entretien différentes, mais tous sont sans pesticides ni engrais chimiques.

J'avais présenté il y deux ans un thé issu de boutures de yamacha, expérience unique au Japon. Mais aujourd’hui, je présente un de ces yamacha, celui qui est exploité de la manière la plus naturelle, théiers non taillés, pas de pesticide ni même d'engrais bio, les herbes qui sont coupées une fois par an sont disposées au sol autour des théiers.


 Selon les recherches sur place par un spécialiste, Matsushita Satoru, il y a des traces d'exploitations humaines passée, mais ces théiers sont sans aucun doute en partie issues de graines tombées de ci de là. Si ces théiers furent exploités autrefois, ce jardin était à l'abandon depuis au moins 60 ans.
Une particularité du lieu est d'être un sol essentiellement rocheux, avec très peu de terre en surface.

Il s'agit d'un kama-iri cha, est la torréfaction pour stopper l'oxydation est faite manuellement au wok, là encore c'est une chose très rare au Japon. Le séchage / roulage est mécanique.

C'est un thé pour lequel on peut essayer de nombreux paramètres d'infusion, mais personnellement, je pense que commencer d’emblée avec de l'eau assez chaude, 90°C, 30s, sera très bien. 
Il y a un parfum particulier, minéral et en même temps sucré, sirupeux comme des haricots confits. En bouche, la liqueur est aussi sucré, velouté, avec des arômes évoquant la réglisse et des herbes et racines médicinales.

 Dès la deuxième infusion, j'utilise de l'eau presque bouillante. Si le palais reste toujours doux et velouté, on met alors en avant des arômes boisés, de cuire, un quelque chose de cendré. On remarque alors au nez une pointe florale poivrée.
Après quatre ou cinq infusions, on peut avoir avoir une touche très légèrement tannique, et des arômes plus frais, anis, menthe, apparaissent alors discrètement. 

On reste toujours dans cet ambivalence minéraux / légumes cuits sucrés, qui donne une impression très éloignée des sensations végétales de nombres de thés japonais, alors que l'impression générale est dominée par le boisé.
Le sucré donnant une impression sirupeuse est aussi caractéristique de ce thé et de son arrière-goût qui domine en after, toujours très léger cependant.
C'est un thé très léger et subtil, mais qui cache cependant de la complexité et une force toute particulière. Cette légèreté accompagnée paradoxalement par une impression de force n'est probablement pas étrangère au sol très rocheux.
Ce thé peut paraître trop cher, mais il faut penser au caractère exceptionnel du jardin bien sûr, mais aussi des méthodes de production dans un pays comme le Japon. Ce kama-iri cha donne aussi de nombreuses infusions très agréables. Il peut aussi être consommé à la chinoise dans un verre, dans lequel on rajoute de l'eau chaude peu à peu.
Par ailleurs, avec les feuilles du même jardin, on produit aussi un kama-iri avec flétrissement et légère oxydation. Le résultat est un thé plus "facile", plus charmant, avec des parfum de type wulong, mais il me semble que cela masque aussi les vrais arômes de ces feuilles, qui reflètent directement leur sol, leur environnement naturel. Aussi, j'ai favorisé, pour l'instant, ce kama-iri cha "yamacha", à la fois très pur et personnel.

Commentaires

Articles les plus consultés