La voie des Instructeurs du thé japonais - matcha

Ne prêtons pas d'importance au titre de ce billet.

Le but final de la Nihon-cha ("thé japonais") Instructor Association, et de tous ses "soldats du thé", Instructors et Advisors, est bien sûr la diffusion d'une connaissance précise et correcte du thé japonais, au Japon principalement, et accessoirement à l'étranger. Parmi toutes ces connaissances, celles qui concernent les méthodes d'infusion des différents types de thés japonais sont bel et bien primordiales. En effet, impossible d'apprécier un produit à sa juste valeur si l'on est incapable de le préparer correctement (ce qui nécessite l'assimilation de quelques principes de base), et aussi de l'adapter à ses propres goûts (ce qui nécessite d'être capable d'adapter les bases).
Par conséquent, si l'on est incapable de préparer un produit correctement, il est impossible de le faire apprécier aux autres, aux jeunes générations notamment.

Je m'éloigne un peu de ce dont je voulais parler à l'origine, et ressasse toujours les mêmes choses...... J'en reviens donc à mon sujet du jour. Donc, oui, enseigner comment préparer un bon thé. De manière presque scientifique je dirai. Température, temps d'infusion, quantité de thé, manière dont théanine et catéchine s'infusent et influencent le goût, etc. Ici, aucune influence de la cérémonie du sencha (sencha-dô, 煎茶道), où température de l'eau reste trop élevé, les accessoires peu adaptés aux thés du marché, etc. Deux mondes liés, mais complétement différents. Celui du pur plaisir gustatif, et celui de l'esthétique.

La cérémonie du sencha est quelque chose de très très méconnu, s'en éloigner ne pose aucun problème. Mais pourquoi pas aussi s'éloigner du sadô 茶道, ou cha no yu 茶の湯, c'est à dire de la cérémonie du thé, célèbre dans le monde entier ? 
Voilà donc une formule pour préparer le matcha, proposée par Madame Hayakawa Hiroko 早川博子, maître de thé de l'école Ura-senke 裏千家, mais aussi Nihon-cha Instructor. Cette méthode est bien sûr inimaginable lors d'une cérémonie du thé, mais après essaie, je dois dire qu'elle est efficace, donne un matcha au velouté formidable, où la douceur s'exprime sans retenu.

Comme pour la méthode "classique", on utilise 2 grammes de matcha, mais ici, on en le tamise pas. Je pense que c'est pour en limiter le plus possible l'oxydation. 
Ensuite, la quantité d'eau sera d'environ 70 ml, là encore pas de changement. Seulement, dans le détail, il s'agit de 10 ml d'eau froide, et de 60 d'eau à 80°C. 

On verse d'abord les 10 ml d'eau froide dans le bol sur le matcha. Puis, avec le fouet (chasen) on mélange énergique jusqu'à obtenir un mélange lisse. 

Ensuite, on verse l'eau chaude et on fait mousser comme à l'accoutumé. 

Cette méthode est vraiment étonnante, on obtient un matcha plus doux encore, velouté, épais mais léger, aérien.

Commentaires

  1. Flo,

    Korean tea masters whose matcha ceremony is much more natural use the above method for making matcha. The Korean matcha ceremony allows for such flexibility.

    One agrees with you (and the Korean tea masters). This method makes the tea taste much better than the method of the Japanese tea ceremony.

    So this begs the question:

    If this technique produces better tasting matcha, why is this technique not included in the Japanese ceremony?

    Thanks again for such a wonderful blog.

    Peace

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  2. Bonjour Matt,

    Mon anglais étant très mauvais, tu me permettra de te répondre en français.
    La réponse est très simple, cette technique nécessiterai l'introduction d'accessoires et d'actions supplémentaire au sein de la cérémonie. Chaque école possède sa manière de faire (temae 点前), codifiée, rigide, et il est hors de question de la modifier.
    Mais certains maitres de thé, comme Madame Hayakawa, n'hésitent pas à recommander une telle manière de faire, mais pas dans le cadre d'une cérémonie du thé dans les règles de l'art.
    J'en ai déjà parlé, mais beaucoup de pseudo maîtres de thé prêtent beaucoup plus d'importance au port du kimono qu'à la qualité du thé proposé. Aussi, les maîtres plus qualifiés, qui ont bien compris que le thé reste l'objet central de la cérémonie, sont bien obligé de respecter les règles établies il y a plusieurs centaines d'années parfois.

    Bref, si l'on se place dans le cadre pur d'une cérémonie du thé de telle ou telle école, il est impératif de respecter à la lettre les procédés (temae) propre à cette école.

    Le respect de règles rigides préétablies est quelque chose de très important au Japon. A partir du début de l'époque d'Edo, si les lettrés s'intéressent à un nouveau thé, influencé par le Gongfu cha, c'est pour se démarquer des règles qui commencent à se figer de la cérémonie du thé. Malheureusement, se mouvement des lettré finira lui aussi par se codifier et se figé en la cérémonie du sencha vers la fin de l'époque d'Edo. Comme si ce goût pour les règles rigides est inévitable au Japon.

    Merci encore pour cette question qui inviterai à un développement plus long.
    A bientôt

    Florent

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  3. Très intéressant. Du concret ! Cool.

    J'avoue ne pas être familier avec le sencha-dô. Peut-être pourras-tu nous en dire plus une prochaine fois ?

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  4. Bonjour David,

    Je ne suis moi-même absolument pas familier avec le sencha-dô. Je n'en connais que ce que j'ai pu en voir dans les rares livres consacrés à ce sujet que j'ai pu trouver (seulement 2 !). Le pratiquer moi-même, j'y ai déjà penser, mais manque de temps, d'argent, rendent la chose difficile pour l'instant.
    En parler sur ce blog est évidemment quelque chose à laquelle je pense. réunir quelque infos, le problème c'est les photos.
    OK, j'y travaille et en parlerai un jour!

    A+

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  5. C'est marrant, c'est la même façon pour préparer du cacao en poudre sauf que bien sur c'est avec du lait! si tu mets un peu de lait froid et que tu mélange ça devient onctueux alors que si tu verse le lait chaud directement ça se dilue à moitié et ça fait des grumeaux! Je me suis souvent dit en en préparant qu'il faudrait un fouet en bambou comme le matcha pour le faire...

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  6. Bonjour Florent,

    C'est vrai que le matcha reste un thé à part.
    Je garde un souvenir ému d'une dégustation dans les jardins du kinkaku ji de Kyoto...Ce matcha ,servi glacé (quelle chaleur cet été 2008), avait un côté cacao qui plairait à laloula et une note qui rappelait le café. J'ai demandé de quel matcha il s'agissait à la vieille dame qui officiait : "sôôôô oun" m'a-t-elle répondu.
    Connaitrais-tu ce matcha ? Peut-on s'en procurer quelque part sur la toile ?

    Par ailleurs, lorsqu'on prépare un matcha, 7cl sont bien peu pour opérer dans ces gros chawan traditionnels...comment t'y prends-tu ? Doubles-tu les doses et les volumes ?
    Pour ma part j'utilise "un modèle réduit" noir d'assez belle facture mais qui ferait rire un maitre de thé....

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  7. Bonjour Pipo,

    Oui, malheureusement, le matcha reste un thé à part, alors qu'il est si simple à préparer, finalement, je le redit, bien plus qu'un sencha, une fois le coup de main attrapé.

    Au contraire, plus le bol est gros, plus il est, me semble-t-il facile d'opérer. Pas besoin de doubler les dosages (de plus, en trop grosse quantité, le matcha, pourrait s'avérer un peu écœurant).
    Il existe des "natsu-jawan", bol utilisé en été pour la cérémonie, et qui sont généralement bien plus petit que les modèles classiques habituels. Je n'ai jamais tenté l'expérience, mais je pense qu'il est très difficile de battre le thé dedans sans en foutre partout !

    Enfin, pour le "sôôôô oun", non je connais pas, chaque fabriquant donne des noms à leur gamme de matcha, et il ne faut y attacher aucune valeur particulière.

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