Thés de Tenryû et cultivars

Je viens de mettre en ligne trois thés du secteur de Tatsukawa à Tenryû, qui me tiennent beaucoup à cœur car ils sont le produit d'un très jeune producteur, Suzuki Shôgô. A l'heure où il y a de moins en moins de producteurs de thé au Japon, en particulier dans les zones de montagnes, voir un jeune continuer avec passion à produire du thé, et même à malaxer les thés des plantations autres que les siennes, est une chose formidable qui permet de garder un espoir pour ces zones de montagnes ou de plus en plus d'exploitations sont abandonnées faute de successeur.



 Je rappelle que Tenryû est l'une des trois grandes régions productrice de thé de montagne de Shizuoka avec Hon.yama et Kawane. On se trouve dans la zone au nord de la ville de Hamamatsu, le long des rives de la rivière Tenryû (qui signifie "dragon céleste"). Aussi, Tenryû est réputé pour son sol riche en minéraux. C'est probablement l'une des raisons qui attira l'attention du professeur Arima Toshiharu, que j'ai déjà évoqué au sujet notamment du cultivar Inzatsu 131 dont il est le père en quelque sorte. C'est Arima qui avait conseillé à M. Tarui de Nearai (dont je propose le fukamushi très typé Inzatsu 131), d'introduire dans son sol du schyste en provenance de Tenryû pour l'améliorer.
En effet, dans les années 60, après avoir quitter le poste de directeur du centre de recherche départemental de Shizuoka, être passé par un poste pour la ville de Shizuoka et avoir offert ses précieuses intruction à une entreprise privée, Arima a aussi passé beaucoup de temps auprès des producteurs pour leur prodiguer des conseils en cette période de changements importants (début du fukamushi, diffusion de Yabukita). Ainsi, il a aussi essayé de diffuser les cultivars qu'il appréciait pour leur parfums (il fut un acteur clé de la sélection de la série des cultivars #7000 comme Shizu-7132, Yamakai, Kurasawa, Suruga-wase) et c'est de cette manière que Tenryû est une région où l'on trouve une grande variété de cultivars de cette époque.
Et pour revenir à notre époque, notre jeune producteur en exploite justement beaucoup, avec Inzatsu 131, Kurasawa et Oku-hikari.

Issu d'un croisement entre la variété de Assam Manipuli 15 et une variété japonaise, Shizu-Inzatsu 131 est un cultivar que j'aime beaucoup, très particulier, avec un parfum unique, plutôt astringent en général en thé vert étuvé.



Mais cet Inzatsu 131, bien que relativement robuste, ne montre aucun excès et reste plutôt accessible au plus grand nombre.  Sur le sachet, je marque 80°C, mais ce sencha pourra être infuser plus chaud encore. Son parfum est caractéristique, floral, épicé, un peu piquant. On y trouve aussi des arômes de petits pois, note à la fois verte et sucré qui trouve un écho direct en bouche. Bien que ce thé japonais ait une belle présence en bouche, l'attaque n'est pas agressive et on n'y perçoit pas d’astringence forte, sinon une impression un peu tannique en after.
Ce n'est pas clairement pas un thé à umami, mais il garde en même temps une sorte d'équilibre aromatique tout à fait unique et reconnaissable, avec de l'impact mais sans agressivité. C'est une introduction superbe à ce cultivar rare mais important qu'est Inzatsu 131, plus facile d'accès que celui de Nearai peut être.
Compte tenu de son prix très raisonnable, c'est un sencha à essayer absolument.

Le deuxième thé sélectionné est cette fois Kurasawa. Là encore cultivar très rare, plus connu pour son croisement avec Kanaya-midori ayant engendré le cultivar Kôshun. Kurasawa est aussi connu comme Shizu-7111, issu donc de la série #7000, des cultivars sélectionnés à partir de graines de Yabukita (et de pollen inconnu).



Nous avons à encore un parfum floral, mais plus rond et sucré, légèrement "pâtissier". En revanche, l'attaque est forte, un peu astringente, laissant un after vert et frais.  Le thé est astringent et tannique, mais pourtant très fluide et aérien.
Les arômes sucrés, légèrement crémeux, y apportent un contraste intéressant donnant ici également un thé très caractéristique.
La deuxième infusion confère une impression un peu différente. L'aspect tannique persiste mais la liqueur est moins astringente, on y perçoit des arômes fruités laissant entrevoir des caractéristiques évoquant déjà Kôshun.

Enfin, moins rare (mais loin d'être commun), je propose un Oku-hikari. Voilà encore un cultivar aux origines intéressantes vu qu'il est issu d'une graine d'un théier originaire du Hubei en Chine (comme Yamanami et Karabeni) croiser avec Yabukita.



Ici, le parfum se trouve encore dans un domaine très différent. Bien que sucré en refroidissant, c'est d'abord une impression minérale puis d'herbes aromatiques que l'on ressent. C'est en effet ce qu'on l'on retrouve en bouche avec ce thé à l'attaque modérée, un peu astringente, aux arômes globalement verts. Pourtant, en after-taste et dans la longueur, Oku-hikari développe une sensation d'umami douce et agréable. Ainsi, la deuxième infusion est plus douce et sucrée, mais très fluide et rafraîchissante aussi. C'est en effet en after-taste que ce thé s'exprime le plus.

Ces trois sencha de Tenryû sont de belles entrées de gamme, pas du même niveau que les Yabukita de Misakubo et Kôshun de Tatsuyama, mais trois thés caractéristiques et très aromatiques. Rendez-vous je l'espère la saison prochaine pour d'autres thés de ce producteur prometteur.

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