Shizuoka 2014, cultivar Sôfû de Ashikubo


On le sait, les clichés ont la vie dure, pourtant, tout amateur de thé un peu attentif à ce qu'il boit comprend aisément que non, la période dite du "shincha", celle qui suit directement la cueillette des thés japonais de printemps n'est en réalité pas la meilleure pour boire ce thé japonais, sencha ou autre. Passés quelques mois, ces thés verts gagnent en force et voient leur caractéristique aromatiques s'affirmer. Cela est plus ou moins vrai, plus ou moins flagrant selon les thés. Il est en particulier certains cultivars pour lesquels cela est particulièrement flagrant, Asatsuyu, ou encore dans un autre registre Shizu7132. Cela est aussi très remarquable avec le Sôfû de Ashikubo (Shizuoka, arrondissement de Aoi) dont je vais un peu parler aujourd'hui.

 Pour rappelle, Sôfû est un cultivar issu du croisement de Shizu-Inzatsu 131 et de Yabukita, ce qui lui donne 1/4 de sang de Assam.Un autre Sôfû est disponible sur Thés du Japon, en provenance aussi de Shizuoka, mais de Osaka (je n'écris pas Ôsaka) dans l'arrondissement de Suruga (voir ici, ou sur le blog).

Les feuilles de sencha de Ashikubo sont épaisses, un peu brisées, mais belles et appétissantes.
On y perçoit un parfum dense, très prenant et agréable. Ce sont des senteurs florales et sucrées, avec un quelque chose de presque acidulé, et surtout des notes de vieux bois.


Après une infusion simple et classique, à 70-75°C environ, la tasse se rempli d'une belle liqueur limpide, jaune-verte. Là encore, beaucoup de parfums, du sucre et du floral. Il n'y a pas le côté piquant de son parent Inzatsu 131, mais des arômes un peu poivrés, une touche de pomme de terre cuite, et de vieux bois encore.

En bouche, l'impression globale, est celle d'une liqueur riche, sans épaisseur mais dense, avec du corps. Les saveurs sont complexes, douces et sucrées dans leur ensemble. Le floral se compose d'un bouquet dominées par les fleurs sucrées, presque fruitées, avec des brins de petites fleurs blanches plus stimulantes.
Il reste en bouche un arrière-goût tenace, sucré, qui continue a faire saliver avec délectation.

Avant une deuxième infusion, ne manquez pas de profiter longuement du parfum dans la théière, ou tout est décuplé. Les racines "inzatsu" (indiennes) de Sôfû, s'y montrent plus clairement.

La liqueur se trouble un peu. Les parfums apparaissent plus verts et végétaux. Plus légers aussi. De très ténues touches florales plus simples.
L'impression de la liqueur change aussi beaucoup. C'est maintenant un thé légèrement astringent, composé de saveurs herbacées et florales, qui réservent le sucré pour l'aftertaste, toujours aussi long et intense. Plus, cet after monte même en puissance quelque secondes, quelques minutes même après avoir avalé le liquide. 

Une troisième infusion vient confirmer les impressions de la seconde, avec un parfums très subtil, vert et floral, de la petite fleur blanche plus "inzatsu", mais discrète, une liqueur, qui donne dans l'astringence, très rafraîchissante, avec un aftertaste toujours sucré, long et énorme.

La qualité majeure ce sencha de Ashikubo c'est me semble-t-il une extraordinaire richesses de saveurs, tout simplement succulentes, et une longueur exemplaire. Son défaut, serait un manque de puissance relatif sur les seconde et troisième infusions, disons surtout une perte de parfum.
Pourtant, la première infusion est tellement magnifique !!!  que l'on ne peut s'en arrêter là. Changeons de méthode.

Alors je commence avec d'abord 30 secondes d'infusion avec de l'eau à 80-85°C.
Parfum présent, un peu moins dense peut être qu'avec les premiers paramètres, mais suffisamment riche, on y trouve encore du sucré, un peu de vieux bois, mais l'ensemble est plus axé sur le floral, avec des caractéristiques "inzatsu" plus nettes.
La liqueur est douce, sans astringence, avec cette fois encore beaucoup de corps. Un peu moins plein et complexe qu'avec la première méthode, ce sencha donne pourtant déjà une liqueur exceptionnelle.
Je vais donc voir maintenant ce que pourrait ainsi donner une deuxième infusion avec de l'eau plus tiède, 70-75°C environ, pour un peu moins d'une minute. Une perte de densité du parfum semble inévitable. Cependant, les arômes qui entrent alors en jeu sont encore différents: quelque chose de fumé s'échappe de la liqueur, le végétal de developpe un peu dans la théière, mais pas dans la tasse. Peut être retour du vieux bois, une pointe de citron aussi ?
En revanche la liqueur se révèle bien plus complexe et dense que sur la deuxième infusion de la première méthode. Après une première attaque sucrée, le floral envahi la bouche avec une petite vague astringente et stimulante, avant de laisser encore et toujours place à un after puissant et sucré.
Je repasse à une infusion plus chaude, 90°C pour un troisième passage de 45 secondes. Je laisse ce thé refroidir un peu. Toujours discret, le parfum apparaît alors comme doux, note fumée qui passe en arrière plan, petit bouquet d'herbe et de fleur. Bon, c'est très subtil quand même.
La liqueur est alors très intéressante. Légère, il n'y a cette fois ci aucune astringente trop affirmée. Cette saveur n'est présente que comme composante d'un arômes vert très frais, qui s'harmonise à merveille avec de subtiles notes de fleurs sucrées. Ces derière ne se rélève en fait que très peu de manière directe sur la langue mais plutôt dans un arrière goût immédiat qui passe aussi par la gorge.
Puis, toujours, à retardement, cet aftertaste doux, dense, tenace, et surtout extrêmement savoureux.

Cette tentative de préparation moins conventionnelle me semble donc être un bon compromis, avec sûrement des ajustements à faire. Quoi qu'il en soit, ce sencha confirme son incroyable richesse de saveurs, sa haute qualité qui va bien au delà de la simple exploitation des caractéristiques des cultivars de type "inzatsu".

Pour finir, si l'on compare avec le Sôfû de Osaka à Suruga (Shizuoka), je dirais que l'on a ici un thé plus riche et complexe, mais peut être aussi moins puissant, moins facile aussi. Celui de Suruga se révèle aussi plus axé sur les caractéristiques de type "inzatsu", intéressant à découvrir ou redécouvrir en parallèle avec ce Sôfû de Ashikubo, et après maturation aussi.


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