Thés du "Nord-kantô", 2ème partie, Sayama

 Cette 2ème partie (tant attendue ?) a un peu tardé, mais après avoir évoqué ici les thés de Sashima, voici maintenant ceux de Sayama, région de production de thé du nord de Tôkyô plus importante et connue. Pour les détails sur cette région, ses particularités et son histoire, j'invite le lecteur à consulter cet article. Laissez moi seulement rappeler que thé de Sayama désigne le thé produit dans le département de Saitama, essentiellement d'abord à Iruma, puis Tokorozawa et Sayama, et en d'autres lieux aussi.

J'entre directement dans la vif du sujet avec ma sélection 2020 de thés de Sayama (il y en aura cependant encore au moins un autre plus tard). 

Le désormais classique de ma sélection pour Thés du Japon est ce très beau cultivar sencha Yume-wakaba de Sayama récolté manuellement sur plantation non-taillée shizen-shitate et à l'étuvage standard, qui tranche avec les étuvages fukamushi représentatifs du thé de Sayama. Le processus de flétrissement utilisé pour ce sencha fait ressortir à merveille et très clairement les arômes typiques de Yume-wakaba évoquant fortement la pêche, l'abricot mais aussi la vanille ou encore les fleurs de l'olivier odorant (osmanthus fragans). C'est un thé qui possède aussi un bel umami bien équilibré.

Mais cette année je propose en pendant au Yume-wakaba le cépage Fukumidori du même producteur, là encore un étuvage standard, issu d'une récolte manuelle mais sur plantation standard (avec la photo de la plantation peut-être certains comprendrons la raison de ne pas faire du shizen-shitate. *photos prises le 2 octobre 2020).

Tout comme Yume-wakaba, Fukumidori est un cultivar développé à Saitama, et dont les caractéristiques aromatiques semblent se révéler particulièrement avec un processus de flétrissement.



 Ce sencha Fukumidori procure une liqueur très fluide et veloutée, très parfumée aussi, qui d'abord frappe par ses arômes très verts, très frais, rappelant le parfum des feuilles de thé fraîches juste après l'étuvage.  C'est ensuite que l'on saisi mieux les arômes qui m'évoquent le pamplemousse de ce sencha. Avec ce thé en revanche on n'a très peu d'umami. Avec une pointe d'astringence, on est vraiment dans la fraîcheur et l'agrume. C'est un sencha de caractère, peu commun et surtout très élégant.
Avec le sencha Fukumidori fukamushi cette fois, nous quittons Sayama pour nous rendre à Iruma, sur le plateau de Kaneko-dai, principale zone de production du "sayama-cha". Ce sont 400 ha de plantations de thé à perte de vue, une grande étendue non pas constituée de grandes exploitations, mais d'un véritable patchwork de petites parcelles. 



 Peu photogénique, ce plateau est pourtant réputé pour la qualité du thé qui y pousse, plus encore le secteur de Negishi sur sa bordure nord-est où se trouvent les parcelles de M. Nakajima. Celui-ci est depuis quelques années la nouvelle figure du temomi-cha, thés de concours roulés à la main, dont il a remporté la première place 3 fois. Sa production commerciale est bien sûr composée de sencha roulés mécaniquement, des fukamushi de très grande qualité.


 Je propose ce Fukumidori depuis 2019. On a là une liqueur intense, épaisse presque, là encore sans umami marqué, et une pointe d'astringence. Ici on trouve des arômes floraux d'abord, au sein desquels se développent ces parfums de pamplemousse typiques. C'est là une impression riche pour un sencha puissant.

Cette année je propose un autre sencha de ce producteur de talent, fait avec un cépage plus surprenant puisqu'il s'agit de Gokô, célèbre cultivar de Uji (Kyôto) surtout utilisé pour le gyokuro.  Ici pas de doute, avec ses parfums sucrés et fruités, légèrement acidulés, rappelant la figue, les caractéristiques de Gokô sont bien présentes ! C'est un fukamushi classique, sans flétrissement. Le producteur m'a signifié que la qualité de ce thé cette année était presque miraculeuse, tant les riches arômes de Gokô ne ressortent habituellement pas si fortement. Profitons-en donc. Sans être extrêmement intense sur le palais, ce thé reste très rond et aromatique, avec un bon équilibre umami/sucré, sans astringence. Les arômes fruités et sucrés dominent en bouche pourtant on a aussi une sensation un peu végétale. 

Enfin, de retour à Sayama, voici maintenant l'un des plus récents des cultivars développés à Saitama : Oku-haruka. Enregistré en 2015 ce cépage s'est fait remarqué par son taux important en coumarine, ce qui ferait penser que ce nouveau cépage pourrait avoir un fort parfum de feuilles de cerisier saumurées comme dans Shizu-7132. Honnêtement, parmi tous ceux que j'ai pu goutter, notamment lors d'une séance organisée par le centre de recherche de Iruma il y a deux ans, je n'ai rien vu d'aussi fort qu'avec 7132. Aussi, il vaut mieux ne pas s'accrocher à cette idée et prendre ce cultivar Oku-haruka pour lui-même et ses caractéristiques propres. 

Celui que je propose cette année n'est pas du même producteur que celui de l'an dernier. Bien qu'aussi manufacturé avec un processus de flétrissement, celui-ci est plus joli, avec des feuilles moins brisées. 


 Les arômes de ce sencha ont un caractère qui rappelle fortement le beurre, avec aussi des nuances florales. Très fluide et peu astringent, cet Oku-haruka se montre néanmoins bien présent en bouche. Après des arômes un peu sucrés, très ronds, de beurre et de fleurs, il nous surprend en laissant apparaître en after-taste une saveur végétale forte qui contraste avec les premières impressions et donnent beaucoup de profondeur à ce sencha. La longueur en bouche est exceptionnelle avec une grande intensité. 

Avec mes thés de Sashima présentés dans l'article précédent, ces thés de Sayama montrent juste au nord de Tôkyô une production riche, très variée, originale, dynamique qui mérite qu'on s'y attarde dans le détail, et qui me semble mériter aussi plus de prestige dans la région de Tôkyô, ne serait-ce que comme production locale de grande qualité.


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