Sencha Asanoka et notes à propos de Kagoshima
Avec aujourd’hui
environ 32% de la production de thé, Kagoshima est, après Shizuoka (39%), le 2ème
département producteur de thé japonais. Il est intéressant de noter que Kagoshima représente par contre 20% de la surface cultivée et Shizuoka 40%, c'est à dire que Kagoshima produit plus par surface (cela est dû essentiellement au nombre de récoltes effectuées, moindre en moyenne à Shizuoka et aux méthodes de culture et récolte). Kagoshima ne cesse depuis de nombreuses
années de grignoter du terrain sur Shizuoka. En réalité, cela ne fait pas si longtemps que Kagoshima et une grande région de production de thé et nombreux
encore sont les japonais à ne pas avoir conscience de Kagoshima comme lieu de
thé. Pendant longtemps cantonné à une image de thé bas de gamme, Kagoshima a su
se développer ces 40 dernières années en réussissant à atteindre une
qualité importante avec une production en grandes quantités. Le principal centre de production est Minami-Kyûshû (Chiran et Ei) mais on y produit du thé sur tout le département, sur les deux péninsules de Satsuma et Ôsumi, au nord à Kirishima, mais aussi sur les petites îles de Tanegashima et Yakushima. 99.7% en terrain plat.
Il s’agit
essentiellement de sencha fukamushi ombrés avec une torréfaction en général
plutôt forte. Kagoshima ne met pas en avant une « tradition », mais
produit du thé en fonction de la demande du marché. Donc des thés fukamushi à
la couleur très verte avec beaucoup d’umami (ombrage), exploitant des cultivars
allant dans ce sens : Yutaka-midori, Asatsuyu, Saemidori, etc. Aussi
l’autre clé du succès réside justement dans ces cultivars hâtifs, profitant de sa
situation géographique méridionale, permettant aux thés de Kagoshima d’arriver
les premiers sur le marché au moment du shincha, raflant ainsi le gros des
ventes.
S’il y a clairement
une grande réussite dans le maintien d’une qualité globale avec une production
de masse, le revers de la médaille est un manque indéniable de personnalité et de
variété qui pourra vite ennuyer l’amateur hard-core de thé japonais. Malheureusement,
je ne vois guère pour l’instant de mouvement vers une diversification et un
éloignement du tout à l’umami, aux liqueurs vertes opaques et au sucré de torréfaction.
Cela est compréhensible bien sûr car c'est ce qui marche, cette tendance est nette au Japon
mais aussi à l’étranger (même sur Thés du Japon je peux le constater). Cela influence
directement le style de production, mais aussi le développement récent de
cultivars.
C’est au regard
de cette situation qu’il me semble que Asanoka est un cépage tout à fait
intéressant. C’est un cultivar made in Kagoshima puisqu’il fut développer au
centre de recherche de Makurazaki à partir du croisement entre Yabukita et une variété
en provenance de Chine, Cp#1. Enregistré en 1996 il est récent.
Le parfum de ce
cépage est singulier, exotique et floral, sucré, évoquant la mangue, le bois de
santal diront d’autres. Cette caractéristique est très claire avec les feuilles sèches,
souvent bien plus que dans l’infusion, ce qui est parfois déroutant.
Cela se confirme
avec le sencha Asanoka que je propose aujourd’hui. Il provient de Iriki, une
zone plus au nord, plus confidentielle, que les géants Minami-Kyûshû ou Makurazaki. C’est aussi un étuvage standard, ou en tout cas un
sencha conservant des feuilles peu brisées. Il fut ombré sept jours.
Dans le parfum
des feuilles sèches, j’ajouterais des notes de raisin très mûr voir un peu fermenté.
Il est bon d’infuser
un peu tiède car Asanoka est aussi un cépage avec beaucoup d’umami.
Là en effet, au
nez, l’infusion n’est pas aussi aromatique que les feuilles sèches, pourtant on
y trouve sans peine ces arômes exotiques et fruités tout à fait particuliers.
En bouche ils se
font plus présent, et on reconnait alors la mangue et le raisin très mûr. Il n’y
a pas d’astringence, et l’umami est bien présent, mais sans emphase.
L’ensemble est aromatique,
avec une ambiance, une personnalité bien particulière, mais en revanche pas
spécialement complexe ni puissant. L’after est modéré.
Les infusions
suivantes confirment cette tendance aromatique pour une liqueur relativement légère
et veloutée. Pas d’astringence.
Une troisième
infusion bien chaude fait ressortir des arômes floraux là encore assez
inhabituels.
Asanoka est un
cépage qui se démarque clairement parmi tout ce que l’on peut trouver à Kagoshima,
complètement différent des Yutaka-midori, Saemidori et autres Asatsuyu. Peu
commun il n’est pas très rare non plus, et mériterait un peu plus d’attention,
et des productions un peu plus haut de gamme.
Je suis très heureux
de pouvoir présenter avec ce sencha de Iriki un visage différent du thé de
Kagoshima.
Pour en finir avec
Kagoshima, il y aurait d’autres points qui pourraient être mis en avant, en
particulier la vitalité qu’il y a eu au centre de recherche dans le développement
de cultivars à thé noir. En effet, lorsque le Japon encourageait encore (jusqu’à
la fin des années 60) pour l’export la production de thé noir, Kagoshima fut un
lieu de choix du fait de son climat plus chaud. Cela explique aussi la présence
importante au centre de recherche de Makurazaki de variétés indiennes et
chinoises.
On pourrait aussi
évoquer l’OVNI qu’est le cépage Sunrouge, mais j’espère pouvoir y revenir plus
tard.
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