Sencha "zairai" de Umegashima (3ème génération)

C'est la troisième année que je propose ce zairai de Umegashima, qui a évolué à chaque fois pour se rapprocher d'un certain "idéal", ou disons simplement d'un vrai bon sencha.
Rappelons donc d'abord ce que désigne en japonais le terme "zairai-shu", ou "mishô-zairai-shu". Il s'agit de ce qu'on peut appeler en français une variété indigène. En somme ce type de théier s'oppose aux cultivars (ou cépages). Un cépage est obtenu par sélection (et, le plus souvent, croisement), puis multiplié par bouturage. En somme, tous les théiers d'un même cépage sont génétiquement identiques. A l'inverse, une plantation de variétés indigènes "zairai" est obtenue par graines, les théiers "zairai" sont tous génétiquement différents. Ils n'ont pas les même caractéristiques, ni aromatiques ni de résistance face aux maladies et conditions climatiques. De plus ils ne bourgeonnent pas selon le même timing. Ils donnent ainsi une récolte peu homogène, avec des feuilles encore très petites et d'autres déjà trop dures, ce qui en fait quelque chose de difficile à bien rouler et sécher, et dont les arômes ne seront pas stables.
On comprend aisément que le zairai ait presque disparu, pour être remplacé par des cépages propres à donner des thés de bien meilleure qualité. Aussi, la récolte de ce qui reste de zairai est le plus souvent renvoyée en fin de saison, avec des feuilles très dures, ne donnant rien de plus qu'un bancha.






L'idée, avec les anciens théiers zairai de cette plantation en bord de rivière était de travailler à en faire un bon sencha.

Petite parenthèse "économie du thé", on comprend aussi que compte tenu de la valeur marchande presque nulle sur le marché aux thés du zairai, un producteur ait des réticences à prendre le temps de récolter et fabriquer un sencha zairai cueilli tôt, donnant donc moins de quantité,  difficile à bien produire, sans être certain de pouvoir vendre à prix correct le thé brut.

La première année, il s'agissant encore clairement d'un bancha, alors que l'an dernier, récolté plus tôt, on avait un sencha déjà bien plus intéressant, malgré des restes d'odeur de feuilles dures.
Cette année, récolté encore plus tôt, le sencha est enfin débarrassé de toute odeur de bancha.

Avec un thé brut aracha (non trié, sans torréfaction finale) de zairai, la finition est aussi un problème important : très peu homogène, ce matériau contient beaucoup de très grosses feuilles (atama) qui ne peuvent être intégrées ainsi au thé fini. Le trie entraîne donc une énorme perte (+ de 20%, contre moins de 10 pour un sencha de qualité avec un cépage), et le choix qu'il faut faire est comment et dans quelle mesure on coupe les grosses feuilles pour les intégrer dans le thé final.
Il y a aussi des feuilles très légères qui ressortent du trie, on peut les re-trier, et en réintégrer la part la plus lourde qui peut avoir du goût.  Mon choix fut de mettre les grosses feuilles coupées (très parfumées), mais de laisser tomber le matériau trop léger, peut significatif.
Bien évidemment, avec les feuilles coupées, le thé est moins joli, mais personne ne demande à un zairai d'être joli. Bien sûr en fonction de ce que j'aurai l'an prochain, je me demande si je ne pourrais pas viser le haut de gamme, et n'utiliser que le "hon-cha", c'est à dire les meilleures feuilles après le trie. Une grosse entreprise pourrait ce faisant utiliser les grosses feuilles avec celles issues du trie d'autres sencha et les vendres en tant que bancha, mais à mon échelle (n'y a qu'une 15aine de kilo de ce thé brut à la base), il n'y a rien à en faire, et ne pas les utiliser serait en pure perte.

Venons en maintenant à la dégustation. Problème encore avec du zairai, on peut percevoir des différences significatives entre chaque dégustations du fait que le thé soit composé de feuilles de théiers tous différents. (ce type de nuance s'efface lorsqu'il s'agit d'une thé récolté très tardivement).
D'aspect, le thé est en effet très peu homogène, même si on y remarque un nombre important des très jolies feuilles, bien travaillées.
Le parfum est plutôt vert, j'ai en effet fait faire une torréfaction "hi-ire" très faible.
J'y ressent néanmoins des tonalités d'agrumes.

L'impression générale est celle d'un thé très rafraîchissant, avec une légère pointe d'astringence, vert sans être végétal à outrance. On n'y perçoit pas d'umami très fort, plutôt un sucré léger, mais très long en bouche.
C'est un thé endurant qui donnera quatre ou cinq très bonnes infusions.
Pour ce qui est des arômes plus précis, comme je l'ai dit plus haut, c'est un peu changeant, mais il me semble qu'on oscille entre de doux parfums d'oranges sucrées, à du plus floral parfois un peu crémeux.

 Nous ne sommes jamais dans des arômes très tranchés, mais toujours des sensations aromatiques profondes, fraîches et printanières.
Ce zairai est une très belle réussite, une grande satisfaction aussi, et j'espère pouvoir continuer à proposer ce thé issu de théiers anciens (suffisamment pour que le producteur n'ait aucune idée de quand les graines aient pu avoir été plantées) avec au moins la même qualité, plus encore peut être.
Un zairai qui peut aussi changer l'idée que certains peuvent avoir des sencha "zairai".

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