Retour sur une saison très riche

On peut dire que la saison 2018-2019 fut d'une grande densité pour moi et pour Thés du Japon. Tout d'abord, il y eu de très grandes satisfactions tant au niveau des thés que des théières présentés, et ce fut aussi une saison très riche en évènements. Mais bien plus encore, cette saison fut sans aucun doute la plus décisive dans l'histoire de Thés du Japon depuis le début de son histoire il y a plus de huit ans : après toutes ces années de travail en ligne et sur des évènements, nous avons en effet enfin ouvert notre boutique à Tokyo, dans le quartier de Yanaka.







 C'est quelque chose que j'attendais depuis longtemps, pour moi un retour aux fondamentaux essentiels, c'est à dire le contact direct avec le public, l’échange avec les amateurs de thé. Le dialogue et plus encore la possibilité de faire goûter les thés sont des choses indispensables pour parvenir à transmettre toute la richesse d'une production. Cela est d'autant plus vrai au Japon qu'ici le thé japonais reste encore trop mal considéré, trop mal connu, si bien que des mots ne suffisent pas à faire naître la curiosité d'abord, l'intérêt réel ensuite.
L’accueil des étrangers, francophones tout particulièrement, de passage à Tokyo est aussi une des missions de cette boutique de Yanaka. Pouvoir rencontrer et discuter autour d'un thé avec des habitués en ligne de Thés du Japon est aussi un plaisir immense, partagé je l'espère.
Enfin, exposer aux yeux du plus grand nombre, donner la possibilité de toucher, de ressentir, des théières de qualité est là encore une mission primordiale, encore une fois surtout au Japon où de plus en plus de foyers ne possèdent pas de théières, alors que la plupart des vieilles boutiques de thé ne proposent que des objets bas de gamme.

Mais c'est aussi pour les raisons évoquées ci-dessus qu'il n'est pas aisé de se faire connaître en dehors du cercle restreint des professionnels et amateurs éclairés, et qu'il reste ainsi tout à faire, posant 2018 comme une sorte de renouveau et de nouveau départ.

Car le concept de Thés du Japon est à la fois évident et simple mais aussi étrangement nouveau pour le thé japonais. Proposer une très large variété de thés sans assemblage, tous issus de plantations uniques, c'est à dire vendus par région, producteur et cultivar (cépage), semble au premier abord tout à faire normal et habituel au regard du monde du vin, mais aussi du thé noir, mais est en fait encore très rare au Japon. C'est un concept finalement assez nouveau, qui va devoir se développer pour mettre enfin en lumière une production originale et de qualité, encore éclipsée par une production trop standardisée, de plus en plus bon marché, qui ne pourra pas survivre dans un pays comme le Japon.

Les thés particulièrement marquants trouvés en cette année furent nombreux.  Il y a avant tout le cépage Gokô de Wazuka non ombré. Ce thé est une merveille, d'abord, c'est un excellent sencha non-ombré (rare à "Uji"), et surtout il montre le potentiel décidément formidable de Gokô, ce cultivar de Uji, habituellement réservé aux thés ombrés, kabuse, gyokuro, et plus rarement matcha. On voit ainsi avec ce sencha que les parfums si particuliers de Gokô, fruits rouges, figue, auxquels nombre de gyokuro haut de gamme de Uji nous ont habitué, apparaissent aussi fortement dans un sencha sans ombrage. Cela créer alors un contraste des plus fameux avec ce parfum, habituellement annonciateur de fort umami, et le goût du sencha, frais avec un bel équilibre entre astringence et umami. Ce sencha est de nouveau dispo en ligne et en boutique, et je ne peux que le recommander très chaudement, ne sachant évidemment pas ce que donnera la version 2019.


Autre retour d'un gros succès de l'année, le Kôshun de Asamiya. Il n'est plus besoin de présenter cet excellent cépage de Shizuoka aux parfums d'herbes aromatiques et de fleurs sucrées, mais hors Shizuoka il reste très rare et ce sencha de Asamiya est franchement une merveille. Là encore superbe équilibre, pas d'astringence trop prononcée, et un parfum superbe et parfaitement caractéristique. Le rapport qualité prix est imbattable, et je ne peux que prier pour que le futur millésime 2019 soit aussi bon.


Plus particulier, le sencha Izumi de 2007 de Sashima. Si depuis trois ou quatre ans ce producteur ne fait plus que du thé noir avec ce cépage, il a pendant de nombreuses années aussi fait des sencha avec, certain avec plus ou moins de succès. Ce millésime 2007, réalisé avec flétrissement était un superbe thé brut, qu'une finition simple (séchage final) a affirmé comme un délice, avec de formidable arômes de fruits jaunes. Il n'est plus disponible mais va être remplacé d'ici peu par un sencha Izumi sans flétrissement cette fois, de 2014. Il va falloir encore quelques années avant que ce producteur puisse refaire du sencha avec ce cépage, alors ne ratez pas ce sencha où les caractéristiques de Izumi sont bien présentes.

Bien sûr il y en a plein d'autres comme aussi le Hokumei de Sashima...
En effet, depuis l'ouverture de la boutique à Tokyo, j'ai aussi plus envie de mettre en avant les thés venant du Kantô, la région de Tokyo, avec les thés de Sayama (Saitama), de Sashima (Ibaraki), et je l'espère prochainement des thés de Ashigara (Kanagawa). Il est fort dommage qu'à Tokyo si peu de gens sachent qu'il existe une production de thé si près de chez eux, avec en plus beaucoup de jeunes producteurs.

Le travail sur les théières a aussi apporté son lot de plaisir. Les rencontres avec Yamamoto Hiromi qui ont continuées bien sûr, mais aussi la rencontre avec Bigetsu et sa terre magnifique, théières qui me plaisent le plus en ce moment, et le début de collaboration avec le jeune espoir Banko-yaki, Otsuki Shun.

A l'automne dernier, j'ai eu l'occasion avec la Japanese Tea Instructor Association de participer à l'organisation des Nihon-cha Award à Paris.  Ensuite avec le Japan Tea Export Council nous avons pu faire en février dernier une présentation du thé japonais pour les professionnels de l’hôtellerie à Paris.
Autant de rencontres et d'occasions de faire mieux connaître le thé Japonais en France, alors que celui-ci me semble finalement toujours aussi mal traité et mal compris à l'étranger, toujours dominé par des clichés idiots venant détourner l'attention de l'essence des choses. Les choses évoluent quand même un peu, mais vraiment doucement.
Car 2019 marque aussi mes 10 ans d'activité en tant que Japanese Tea Instructor.  10 que je fus le premier français à obtenir cette qualification, et presque autant de temps donc depuis le commencement de ce blog.
N'était-ce donc pas le timing parfait pour l'ouverture de la boutique de Yanaka ?

Enfin, début mars j'ai pu y accueillir Olivier Schneider pour une série de séminaires sur le Puerh, ou nous avons esquissé un début de travail de mise en relation entre thés japonais et puerh qui pourrait mener à des recherches plus approfondies.


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