Petit guide des bases du choix d'une théière japonaise
La
météo au Japon, beaucoup de pluie empêchant la cueillette, à
beaucoup retardé les premiers shincha 2015. Alors en attendant, je
vais parler un peu ici de théières japonaises (kyûsu, mais hôhin
aussi) pour donner, aux débutants surtout, quelques critères de
choix dans l'achat de théière. L'arrivé des nouvelles récoltes ne
constitue-t-elle pas le meilleur moment pour s'équiper ?
Je
vais essayer ici d'éviter le plus possible les critères subjectifs,
pour rester simple et concret.
Quelque
critères essentiels
Le
prix :
Cela parait bête, mais le budget est inévitablement un critère de tout
premier ordre pour la plupart des gens. Néanmoins, la théière est
un accessoire essentiel à la préparation du thé, elle peut même
en constituer une part importante du plaisir, ainsi il convient de ne
pas viser trop bas. Je pense que sur les prix pratiqués au Japon,
une bonne trentaine d'euros est un minimum pour mettre la main sur un
outil de qualité, en particulier dans le cas d'une terre.
Les
kyûsu made in China ou made in Vietnam, très bon marchés, sont
bien sûr à éviter.
La
contenance :
Il
ne faut pas faire une fixette sur la taille de la théière, mais il
reste préférable d'utiliser un objet dont le volume est adapté à
l'utilisation que l'on va en faire. Je pense que la plupart
recherchent un outil pour préparer un sencha, tamaryokucha ou
kama-iri de qualité. Ainsi, si l'usage va être exclusivement des
infusions pour une personne, il sera préférable d'avoir une théière
de petit volume, entre 100 et 200 ml. En se rapprochant des 200ml, on
pourrait même faire deux tasses. Avec un volume de 100-150 ml, on
pourra préparer deux, voir trois tasses de gyokuro.
Avec
un volume tournant autour de 250 ml, on aura un outil très
polyvalent, qui en permettant des faire trois tasses de sencha, reste
tout à faire correct même pour une seule tasse, et permettra aussi
la préparation de thés du type hôji-cha.
A
l'inverse, si l'on a besoin d'un objet exclusivement pour préparer
le thé pour plusieurs personnes, on obtiendra plus d'aisance avec
une théière au volume (bien) supérieur à 300 ml.
Terre
ou porcelaine ?
Question
plus difficile, mais j'aurai tendance à dire terre, en tout cas dans
le cas d'une première théière.
La
porcelaine est neutre, n'a pas d'influence sur le gout du thé,
alors que les terres (non émaillées) auront toutes des propriétés
légèrement différentes. Il me semble tout de même que débuter
avec une bonne terre est préférable, permettant de réussir d'une
manière générale plus facilement ses infusions.
Aussi,
il le semble qu'il y a plus de théières en terre de très bonne
facture (taille, forme, etc) que de théières en porcelaine.
La
porcelaine reste une arme inévitable pour quiconque souhaite
approfondir le sujet en faisant des dégustations analytiques. Le
hôhin est alors le choix le plus évident.
Quelles
terres, quelles régions ?
C'est
sur ce point très précis que je ne rentrerais pas dans les détails.
En effet, avec ces questions, chaque terre, chaque type de cuisson
devient un cas particulier qui ne s'appliquera pas forcement pareil
selon le thé utilisé. On rentre là dans un domaine en parti
subjectif, et de toute façon très subtile.
En
revanche si l'on doit parler de région ou de tradition, il n'y a pas
à hésiter une seconde : Tokoname (département de Aichi, ville
de Tokoname), puis Banko (département de Mie, ville de Yokkaichi).
Avec
Tokoname-yaki et Banko-yaki, les potiers sont des ''kyûsu-shokunin'',
des artisans de kyûsu. La fabrication de kyûsu est un domaine à
part dans la poterie, une spécialité en elle-même, extrêmement
difficile.
Après,
on rentre dans le domaine des gouts personnels, mais il faut tout
même se rendre compte qu'en plus de la diversité des techniques, le
niveau de technicité des artisans Tokoname est sans pareil.
Il
y a bien sûr des objets superbes dans d'autres régions, mais qui du
point de vu technique en tant qu'outil, ne sont pas des objets que je
recommanderais comme première théière ou comme théière
principale.
Tour
ou moule ?
L'idée
que la fabrication à la main au tour est nécessairement supérieures
à la fabrication en série au moule, est une idée romantique très
européenne, est surtout très erronée.
D'une
part, quant on fabrique au moule ''ikomi'', chaque parti de la
théière (corps, poignée, bec, couvercle, filtre) est fabriquée
séparément comme dans le cas du tour, puis assemblés, lissés,
finis exactement de la même manière que pour des théières
tournées à la main. De plus, les potiers considèrent que le
travail au tour est la phase la plus facile, et que c'est bien
l'assemblage et la finition qui constitue le travail le plus délicat.
Enfn, précisons qu'en ikomi on ne fabrique en même temps que
quelques pièces, entre 5 et 10. De plus cela prend du temps.
Bien
sûr, l'essentiel de la production ikomi est très bas de gamme, mais
il en existe aussi d'excellents, supérieur au travail de nombre de
potiers (surtout que nombre de potiers généralistes, qui
improvisent des kyûsu souvent chers et et complètement inadaptés à
la préparation du thé).
Esthétique :
La
préparation du thé elle-même doit être un moment de plaisir. Pour
cela il est essentiel d'avoir une théière que l'on aime. Ainsi,
l'esthétique, le touché, sont des critères tout à fait
primordiaux.
Les
filtres
Le
filtre, voilà une question qui fait couler de l'encre, particulier
ici au Japon ou le consommateur lambda de thé consomme aujourd'hui
essentiellement des ''fukamushi'' très poudreux, en apportant très
peu de soin à la préparation. C'est pour parer au bouchage de
filtre que sont apparus dans les années 70 les filtres métalliques.
Cela parait simple, mais il a fallu plusieurs années pour mettre au
point des filtres métalliques efficace et pour pouvoir fabriquer des
kyûsu adaptés à leur mise en place.
Mais
soyons sérieux ! Préférons les filtres céramique en terre.
En fait, je ne suis pas persuadé de la réelle efficacité des
filtres métalliques, il le semble que d'une manière ou d'une autre
il finissent par se boucher aussi avec des thés très poudreux et
surtout qu'ils ont tendance à se salir à l'arrière (difficile à
nettoyer, donc risque de mauvaises odeurs, et puis de bouchage).
Voici
quelques filtres céramiques.
Si
l'on fait abstraction des simples gros trous percés dans le corps,
inadaptés à certains thés, je n'irais pas faire de recommandation
particulière.
simples trous dans un hôhin Bizen |
Trous beaucoup plus fin dans un hôhin Asahi-yaki |
Filtre debeso courant sur les théières Banko-yaki |
Debeso très fin propre aux Bako-yaki de l'atelier Shôfû |
Filtre large et fin sasame, aujourd'hui très répandu à Tokoname. |
Encore plus fin. |
Verse
La manière dont on se sert d'une théière, d'un kyûsu en particulier, n'est pas anodin. Au contraire même, peu de gens versent correctement, ce qui n'est pas sans influence sur ces questions de filtre qui se bouchent et même sur le goût du thé.
Il convient de verser doucement, petit à petit, de manière a ce que le liquide ne sorte pas par le bord du couvercle d'une part, mais aussi pour pour que les feuilles ne viennent pas recouvrir complètement le filtre. Ainsi, même avec un thé très poudreux et un filtre style debeso à l'ancienne, la théière ne se bouche pas. Pour s'en rendre compte, on peut s'entrainer sans le couvercle. Une verse lente permet en outre de moins remuer les feuilles et d'éviter les gouts parasites.
Je ne sais pas si les images sont bien claires....
Dans ce cas, on comprend que dans le cas d'infusions pour plusieurs personnes, la verse en alternance d'une tasse à une autre est plus délicate. il suffit alors d'utiliser un pichet, le yuzamashi fera parfaitement l'affaire.
Entretien
Après utilisation, la théière devra être bien rincer à l'eau uniquement pour la vider complètement des feuilles, puis passage à l'eau bouillante (ou très chaude). Ainsi elle sèchera plus rapidement. Il est préférable de ranger votre théière dans un endroit bien aéré, et même de ne pas remettre le couvercle avant qu'elle ne soit complètement sèche (attention, l'intérieur du bec reste humide très longtemps).
Le couvercle
Que la théière soit faite au tour ou au moule, le couvercle y est spécifiquement adapté. Chaque théière est cuite avec son couvercle, puis, après cuisson, on effectue une tache que l'on appelle ''futa-awase'' qui sert à ajuster parfaitement corps et couvercle. Ainsi, quand vous casser le couvercle, il n'est pas possible d'en obtenir un nouveau. C'est donc soit un adieu, soit un coup de super glue, soit, la solution idéale qui vous rendra heureux de l'avoir cassé, une réparation à la laque et à l'or/argent/étain (kintsugi, etc) .
Sur ce gaiwan tokoname-yaki il s'agit de laque et d'étain |
Voici une petite sélection de recommandations particulières de produits dispo sur Thés du Japon.
1.
Les fameux kyûsu ikomi (moule) de l'atelier Takasuke. Une petite de 130ml une plus grande de 290ml. Outils de grande qualité, finition exemplaire, difficile de trouver mieux à ce prix là.
2.
Petites théières de potier Tokoname, Gyokô, que j'aime beaucoup, excellent entré de gamme pour des kyûsu fabriqués à la main au tour. Néanmoins, le travail reste un peu grossier comparé aux théières de chez Takasuke.
3.
Si l'on ne doit retenir qu'un seul atelier banko-yaki, aucun doute que c'est Shôfû. Oeuvres de Yamamoto Kenji, ces théières ont une finition, une finesse, une légèreté que l'on ne retrouve ailleurs dans le Banko-yaki. Il n'y a pas meilleur rapport qualité/prix. La terre est magnifique, soyeuse au touché.
4.
Pour les amateurs de porcelaine, le superbe hôhin Asahi-yaki. C'est un objet dont je ne peux plus me passer aujourd'hui. Néanmoins deux défauts, un peu lourd peut être, et très cher. Mais c'est un investissement qui en vaut la chandelle.
5. Large et fond plat
Un fond très large et plat permet une infusion optimum des feuilles avec très peu d'eau. Ce type de théière est très adapté à la préparation des thés verts japonais étuvé, faisant ressortir très bien l'umami, principale caractéristique des ces thés. L'eau s'y refroidi rapidement couvercle ouvert (du fait de la large surface en contact avec l'air), mais fermée, conservent très bien la chaleur (caractéristique de ces terre Tokoname pour la première, Bizen pour la seconde). Cela permet de jouer très simplement sur la température d'infusion à l'intérieur de la théière pour enchainer de manière optimale les infusions.
Voilà donc pour ce petit guide très général.
J'espère que le prochain post annoncera un shincha ! A bientôt donc.
Merci pour ce guide qui m'a aidé à y voir plus claire dans le choix de ma première théière. Une question cependant: ne se brûle-t-on pas quand on verse le thé avec le dernier hohin présenté ? (je sais: c'est très bête comme question mais l'absence de manche me laisse perplexe !).
RépondreSupprimerBonjour
RépondreSupprimerOn ne rempli pas un hôhin (pas plus qu'un kyûsu d'ailleurs) à ras bord, donc comme on le prend par le haut, pas de brulure. Aussi, les hôhin, surtout en porcelaine à Kyôto/Uji sont plutôt utilisés pour des thés que l'on infuse avec de l'eau assez tiède, c'est pour cela qu'une poignée n'est pas nécessaire.
Un grand bravo pour ce guide (et pour le blog...)
RépondreSupprimerJe viens tout juste de recevoir une petite kyûsu de Takasuke, et je suis sous le charme.
Quelque chose me dit qu'une grande soeur lui tiendra bientôt compagnie. D'ici là, je profite de la richesse du blog.
Merci !
Merci beaucoup à vous Jean-François !
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerDans ce guide des théières vous présentez en première position une théière d'une contenance de 290ml, et je me demandais si elle pouvait également être utilisée pour préparer du sencha pour une seule personne ? Merci.
Bonjour, ce n'est pas l'idéal, mais il n'y a aucun problème pour y préparer le sencha pour une seule personne. La plus petite, celle de 130 sera certes plus adaptée néanmoins.
RépondreSupprimerbonjour,
RépondreSupprimermerci pour ce guide bien expliquer.
je connais quelqu'un qui est sur Tokyo pour le moment.
je lui ai demander de m'acheter une théière de Tokoname avec un filtre en terre.
cependant elle ne trouve que des filtres en fer dans les petites échoppes.
connaissez vous une adresse sur Tokyo où elle pourrait trouver des kyusu avec un filtre en terre?
d'avance merci et bravo pour la mine d'or qu'est votre blog.
j'y ai beaucoup appris!
Bonjour,
RépondreSupprimerOui, je connais une excellente adresse : commander chez moi, www.thes-du-japon.com, nous livrons au Japon.
ah oui effectivement!
RépondreSupprimermerci pour votre prompte réponse et excusez-moi pour cette question déplacée.
est ce que toutes vos ventes ne se font que via internet?
Nous n'avons pas de boutiques physique mais j'organise régulièrement des évènements. Je fais un tasting de shincha le 29 à Shimokitawaza.
RépondreSupprimerSi on me previens suffisemment à l'avance je peux aussi y amener des accessoires à la vente.
RépondreSupprimermerci de vos réponses!
RépondreSupprimerle 29 sera déjà trop tard malheureusement.
bon, si elle ne me trouve pas une théière sur place, je sais où je peux me fournir facilement (chez vous évidemment :) )
Super guide !
RépondreSupprimerPetit doute désormais : une théière en terre émaillée retient-elle aussi les arômes ou peut-on estimer qu'elle sera neutre et sans mémoire comme de la porcelaine ?
Merci pour votre commentaire.
RépondreSupprimerOui, en principe une théière émaillée doit être aussi neutre et "sans mémoire". Ceci dit; les terres non émaillée Tokoname, banko, bizen etc sont très imperméables, et n'ont pas de mémoire (si tant est que cette histoire de mémoire soit réellement fondée même avec des terres poreuses)
Bonjour Monsieur Weugue,
RépondreSupprimerDepuis que j'ai découvert le Kukicha, dans une boutique en France qui à l'époque était très mal préparé en fait car servi avec du sucre, en me renseignant sur l'art et la manière de préparer le thé. J'ai appris beaucoup de choses sur votre blog, plus tard je suis tombé sur le site du gourmet Japonais en thé il y a quelques années. Depuis lors "je prends le thé chez vous" et j'apprécie beaucoup les banko-yaki ( de Miyamoto Taisen), que je trouve très esthétique et fonctionnel.