Nihoncha Award, nouveau concours ?
J'ai
déjà évoqué dans ces pages le Nihon-cha Award, mais il ne me
semble pas en avoir parlé en détails.
Il
s'agit d'un nouveau concours lancé en 2014, dont l'idée est de se
tourner vers les consommateurs. En effet, les concours ''officiels'',
créés au 19ème siècle dans le but de promouvoir des techniques de
haut niveau de fabrication du sencha, alors important produit
d'exportation, se focalisent sur des critères fixes, récompensant
les thés ayant le moins de défauts possible, au détriment de la
personnalité. Exemple frappant, impossible pour un sencha fabriqué
avec un autre cultivar que Yabukita d'obtenir une bonne place dans
ces concours. De plus, ce ne sont pas des thés ''finis'', mais des
thés ''bruts'' (aracha) qui y sont présentés. De fait, ce ne sont
pas les thés qui reçoivent une récompense, mais le producteur et
son savoir-faire. Bref, ces compétitions ne sont pas des mauvaises
choses, mais elles ne sont guère tournée vers le dehors et n'ont
que peu d’intérêt pour le consommateur.
Ainsi,
avec les Nihon-cha Award, ce sont des thés finis, c'est à dire tel
qu'ils sont mis en vente au détails, qui concourent. Aussi,
producteurs, grossistes, détaillants, tous les acteurs de
l'industrie peuvent y inscrire des thés. Et l'accueil fut
excellent : près de 600 thés furent présentés, alors que les
organisateurs en attendaient moitié moins.
Il
s'agit d'une toute nouvelle initiative et beaucoup de choses vont
probablement changer lors de éditions suivantes, mais le tout était
séparé en deux grandes catégories : les thés du goût et les
thés du parfum. Je dois dire que d'un point de vu personnel je
n’adhère pas à ce concept, car goût (bouche) et parfum (nez) me
semblent être composantes d'un tout et je ne pense pas que l'on
doive considérer un thé pour l'un plus que pour l'autre.
Bien
évidemment dans chacune des catégories, goût et parfum rentrent
dans la notation, mais pas à proportion égale.
Durant
l'été, un nombre important de grands professionnels du thé
japonais ont effectué sur deux jours les examens de tous ces thés
selon la méthode anglaise (méthode internationale, la plus répandu,
sauf en fait au Japon ou l'on utilise la méthode dite américaine).
Bon, sont notés 'aspect des feuilles', 'aspect de la liqueur',
'goût' et 'parfum', cela ne change pas des concours traditionnels,
sauf que leur critères ne s'applique (en principe) pas. Je dis en
principe car quand un examinateur habitué au compétitions
officielles examine un sencha ou un kabuse par exemple, il y a de
forte chance que le naturel revienne au galop... Je pense qu'il y
aura peut être des choses à revoir, à commencé par le fait de
faire participer des professionnels du vin, du café, etc.
Parmi
cette quantité affolante et très variée (oui, point important, il
n'y a pas que des thés verts, loin de là) de thés seront
sélectionnés pour la catégorie goût,
4
sencha, 3 fukamushi sencha, 1 tamaryokucha, 1 kabuse, 1 kama-iri
pour
la catégorie parfum,
3
sencha, 2 hoji-cha, 1 kama-iri (!!), 3 thés oxydés (thés noirs et
wulong)
Donc,
au total 19 thés qui furent présenté en blind test au public en
décembre (sur reservation, dans la limite des places).
Parmi
ces 19 thés, on y trouve
-
le sencha Oku-midori de Miyakonojo (Miyazaki) présent sur Thés du
Japon en première place des sencha de la catégorie 'parfum' !!
Il a aussi reçu le premier prix des jurés. Il est suivi par deux
sencha de Hon.yama, l'un et l'autre cultivar Sofu (dont celui de M.
Tsukiji).
-
le kama-iri cha de la catégorie parfum le Fuji-kaori deUreshino lui aussi dans ma sélection Thés du Japon (mais en rupture
de stock).
-
le kabuse de la catégorie goût est un gyokuro cultivar
Fuji-midori de M. Takaki (de Yame), dont le gyokuro Yamakai est sur
Thés du Japon.
-
le kama-iri cha de la catégorie goût est un thé de Kumamoto
de M. Ihara, très poche de celui présent du Thés du Japon.
-
En 4ème place des sencha de la catégorie goût, un superbe
Yabukita de montagne de Kawane de M. Tsuchiya, dont vous allez
réentendre parlé sous peu...
(Aussi,
il y avait une catégorie annexe ''natural flavor'', accueillant
n'importe quel thé parfumé naturellement, le genmaicha en premier
lieu).
Je
n'ai donc pas manqué de m’inscrire pour participer au vote final
du public (même si je suis en rapport avec un nombre important de
personne en compétition, n'ayant pas moi-même fait concourir des
thé, pas de problème m'a-t-on dit).
Je
passerai sur la façon dont se déroule le blind test (là encore il
y a des choses à améliorer), pour annoncé le podium :
Grand
prix : tamaryokucha de Nagasaki, composé sur la base de Asatsuyu
(cat. Goût)
Prix
spécial catégorie goût : un sencha Sae-midori de Yame
Prix
spécial catégorie parfum : un thé noir de Gokase (Miyazaki)
On
est assez loin du classement que j'aurai fait. Pas de beaux sencha de
montagnes. C'est la choix du public, il n'y a rien à redire. Tous
les thés présentés étaient de toute façon excellent (il n'y a
que le thé noir de Gokase que j'ai personnellement trouvé pas loin
d'être imbuvable ! Comme quoi) Néanmoins, il me semble que le
résultat reflète la tendance actuelle, les deux thés verts sont
des thés avec beaucoup d'umami, une liqueur très verte, et je dois
dire que ni l'un ni l'autre ne m'avait spécialement marqué. Par
ailleurs, que l'on ait un Asatusyu et un Saemidori (croisement
Asatsuyu et Yabukita) est intéressant.
Pour
finir, il me semble aussi que les thés verts devraient être séparés
du reste, qui pourrait formé une catégorie rappelant un peu la
catégorie ''free style'' ajoutée dans les années 70 aux concours
officiels et qui deviendra la catégorie ''fukamushi''.
Mais
le principal est avant tout que même s'il y avait beaucoup de gens
plus ou moins lié au monde du thé parmi les participant,
l'initiative fut un grand succès, attira énormément de monde, ce
qui honnêtement, dans le Japon d’aujourd’hui, avec du thé
japonais, n'était pas gagné d'avance.
Pour
la prochaine édition, peut être essayerai-je d'y présenter
quelques thés......
Un
peu par hasard, j'ai pu déjeuné avec M. Matsuo, producteur du
tamaryokucha ayant obtenu le 1er prix du public. Avec en prime un
petit échantillon.
Il
s'agit d'un tamaryoku cha à l'étuvage plutôt important, disons que
c'est un tamaryokucha moderne, très brisé.
C'est
blend contenant en majorité Asatusyu.
Le
parfum des feuilles est remarquable, parfaite équilibre entre
torréfaction et les parfums à la fois doux et végétaux de
Asatsuyu.
La
liqueur infusée est tout aussi parfumée, franchement agréable si
on n'est pas réfractaire aux parfums de ce type.
En
bouche c'est aussi excellent, sans lourdeur, de la douceur, de la
profondeur, le blend fait que les caractéristiques de Asatsuyu sont
un peu arrondies.
L'after
est juste bien, et en chargeant bien (c'est un thé qui ne deviendra
que difficilement astringent) on arrive à une longueur correcte,
mais clairement, là n'est pas le point fort de ce thé.
Il
n'y a pas de doute, c'est du très haut niveau, mais je pense que
parmi les 19 thés, il y avait aussi franchement mieux. Il faut aussi dire
que la façon dont s’enchaîne les tasting ne laisse pas le temps
de ressentir les subtilités de chaque thés, et que les thés
punchy, très vert, facile à comprendre avec beaucoup d'umami ont un
avantage certain. (de même que l'ordre de passage)
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