Kama-iri cha 2014: 2. Ureshino
Je vais
cette fois présenter deux kama-iri cha de Ureshino, dans le
département de Saga. Ureshino renvoie parfois une image très forte
de kama-iri cha mais en réalité la production est
aujourd'hui devenue relativement confidentielle, et les département
de Miyazaki (prochaine article) et de Kumamoto (article précédent)
sont de plus importants producteurs. La spécialité de Ureshino
c'est en fait aujourd'hui le tamaryokucha étuvé.
En
effet, M. Ôta, le producteur de nos deux kama-iri du jour est
en fait d'abord un producteur de tamaryokucha. Il vient tout
juste, depuis deux ans de se mettre à la production de kama-iri
cha, pour élargir ses horizons avec ses nombreux cultivars, mais
aussi pour renouer avec les racines de cette ancienne région
productrice de thé, par où sont passés les moines de retour de
voyage en Chine, rapportant des graines de théiers. Ceci dit, depuis
son plus jeune âge il a eu nombres d'occasions d 'étudier la
fabrication du kama-iri cha.
Aussi,
M. Ôta travaille à petite échelle, sans pesticide et avec des
engrais bio. Ses plantations se trouvent entre 150m et 500m
d'altitude.
Le
premier de ces thés est un cultivar Fuji-kaori. Il s'agit (comme
Sôfû ou Kondô-wase) d'un croisement entre Inzatsu 131 et Yabukita.
C'est donc une variété avec ¼ de sang indien. Ce Fuji-kaori (qui
est né à Fujieda, à Shizuoka) est connu pour son parfum tout à
fait exceptionnel.
Après
infusion, à 80°C environ, que ce soit dans la tasse, ou plus encore
dans la théière, ce thé exhale un puissant et doux parfum de
fleur. J'ai l'habitude de parler de « parfum floral »,
mais avec ce Fuji-kaori c'est bien un parfum de fleur, qui rappelle
fortement le jasmin. C'est vraiment agréable, presque enivrant, à
peine croyable que nous ayons à faire à un thé japonais, qui de
plus, reste un thé japonais, sans chercher de rapprochement
ailleurs.
En
bouche, c'est tout de suite ces arômes de fleurs qui entrent en jeu,
de façon d'abord presque inquiétante, on s'attend alors à quelque
chose d’écœurant, et puis non, tout s'harmonise, la liqueur est
légère et rafraîchissante, comme un vrai bon kama-iri cha
japonais. Pas d'astringence, ni d'umami à outrance par ailleurs,
c'est un thé qui se boit tout seul. Il laisse un arrière goût long
mais sans lourdeur, doux. Les retours en gorge de ces saveurs de
fleurs ne sont pas outranciers, tout est bien à sa place, comme il
faut.
Fuji-kaori semble fait pour se type de vrai kama-iri cha.
Il est vrai que ce cultivar et d'autres aussi, sont parfois dans
d'autres régions utilisés en kama-iri plus expérimentaux,
tendant à se rapprocher (vaguement) de baozhong, avec pour
résultat un parfum tonitruant, mais une liqueur souvent lourde et
vulgaire. Ici, on reste dans la finesse, avec dans la théière des
feuilles chaudes au parfum relaxant.
Le
deuxième de ces thé est produit à partir des théiers d'une
plantation de variétés botaniques (« zairai-shu »,
reproduit par graine). Mais il ne s'agit pas de n'importe quels
théiers « zairai », ils sont issus de graines
elles-mêmes issues du Grand Théier vieux de plus de 300 ans planté
par Yoshimura Shinbei sur le mont Fudô, considéré comme l'origine
du thé actuel de Ureshino. Bon, cela ne donne rien sur la qualité
du thé lui-même, mais c'est une anecdote intéressante.
(Par
ailleurs, en 1191, sur la route de son retour de Chine et avant de
planté du thé à Kyôto et d'y transmettre la fabrication du matcha
, le moine Eisai, aurait aussi planté des graines de thé à Hirato
(Nagasaki), ouvrant ainsi la première plantation de thé du Japon,
puis sur le Mont Sefuri à la frontière des actuels départements de
Saga et de Fukuoka)
Cette
fois encore, infusion à 80°C. Le parfum est moins surprenant que
celui de Fuji-kaori. Il est cependant profond, avec du volume. Il se
présente comme sur une sorte de texture cendrée, sur laquelle se
développent des arômes légèrement floraux et crémeux.
La
liqueur aussi possède du corps. Je dirais même qu'elle a plus de
corps que celle de Fuji-kaori, tout en restant légère et fraîche.
Elle fait circuler en bouche, dans la gorge, ses saveurs douces,
crémeuses et florales. La longueur est au rendez-vous, un très bon
équilibre, ce thé apporte beaucoup de plaisir.
J'ai
l'impression que ce kama-iri a gagné beaucoup en densité et
en complexité depuis la saison du shincha où
il semblé un peu timide encore.
Là
encore, sans avoir un kama-iri cha « modèle du genre »,
car ce thé possède sa personnalité, nous avons bien un kama-iri
cha japonais, authentique, qui, il me semble, fait honneur à la
vieille tradition du kama-iri à Kyûshû.
Merci à M. Ôta pour les photos des plantations. Voici donc en vrac quelques images de son domaine:
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