Rencontres à Tokoname 2 : Takasuke, où le moule est un travail d'orfèvre
Ma
journée à Tokoname en compagnie de M. Umehara Shôji (Shôryû) fut
aussi l'occasion de visiter l'atelier Takasuke. Takasuke est l'une
des plus réputée fabrique de théières kyûsu et autres céramiques
au moule (ikomi 鋳込み),
et c'est aussi à Tokoname le pionnier de cette technique. Disons que
c'est le haut de gamme de la technique ikomi, et comme me le
rappelle Shôryû, de bons ikomi valent bien mieux que des
théières fabriquées au tour par un artisan à la technique peu
accomplie.
Comme
je l'avais déjà brièvement évoqué dans mon reportage sur
Banko-yaki, la fabrication d'une théière au moule laisse encore
beaucoup de place au travail manuel, et si les quantités produites
peuvent être plus importantes que celles produites par un seul
artisan au tour, il reste néanmoins difficile de parler de quantités
industrielles. Le directeur, M. Kida, me parle d'un objectif de 60
kyûsu par jour. Quand on connaît le prix des objets, qu'on sait que
pour cela il emploie trois personnes, qu'on pense au coût de
l’énergie utilisée par les fours électriques, on comprend bien
alors toutes les difficultés de cette industrie aujourd'hui.
L'utilisation
du moule ne représente qu'une toute petite partie de la fabrication
d'une théière, toutes les autres étapes sont accomplies à la
main de la même façon que le ferait un potier. D'ailleurs, si l'on
devait ne réaliser qu'une seule théière au moule, cela prendrait
plus de temps que pour un objet fabriqué au tour.
Les
moules sont empilés les uns sur les autres, et l'on verse la terre à
l'état liquide qui vient remplir tous les moules en rotation sur
eux-même. Précisons que la différence de taux d'humidité de cette
terre « liquide » n'est en réalité que de 3 ou 4 %
supérieur à celui des terres utilisées par les potiers. C'est le
fait de brasser constamment cette terre qui la conserve liquide, si l'on
arrête, elle devient dure.
Il
faut environ une heure avant de pouvoir sortir les différentes
partis des théières des moules (le corps, le couvercle, la poignée,
le bec, sont tous évidemment tous moulés séparément). En fait, on
vide le surplus de terre encore liquide, et il ne reste plus que ce
qui à durci sur les parois internes du moule.
Ensuite,
chaque élément doit être fini, puis assemblé à la main.
Une
phase finition à la main sur une sorte de tour est nécessaire pour
le corps. On rogne les imperfections, on lisse. C'est un travail de
précision, dont à Takasuke, le président à la charge !
Il
faut ouvrir un trou dans le corps, placer le filtre à l’intérieur.
Avant d'y fixer le bec, il faut couper le bout de celui-ci, etc. On
place la poignée. Il faut aussi vérifier la taille du couvercle.
Enfin,
reste la cuisson. Chez Takasuke c'est environ 10 heures, à 1200°C.
Pour les objets noirs, il faut recuire la terre rouge à plus basse
température en réduction avec des glumes de riz ou des copeaux de
bois pour fumiger.
La
passion, l'amour du travail bien fait est ici tout aussi tangible,
peut être même plus encore, que chez n'importe quel artisan. Le
degré de finition des produits Takasuke est très élevé, et une
bonne « ikomi » vaut mieux qu'une théière de la
main d'un artisan moyen, ou manquant d'expérience. Mais finalement,
« ikomi » ou tour de potier, le savoir faire et la
quantité de travail pour fabriquer une théière est impressionnant,
pourtant, aujourd'hui pour la plupart des Japonais, dépenser ne
serait-ce que 20 euros dans une théière est impensable !
Imaginez une théière à 50 euros, la vendre est presque un
exploit..... je pense qu'il se vend beaucoup plus de bols pour la
cérémonie du thé cinq fois plus chers (je ne sais pas si le
lecteur entrevoit ce que j'ai en tête en écrivant cela, mais je
n'irai pas plus loin).
Voir
de ses propres yeux, ressentir avec son corps, rencontrer les
acteurs, voilà qui me permet d'entrevoir les trésors que sont ces
objets, indispensables aux gestes du thé. Cela renforce une passion,
il est formidable de voir que celle-ci est partagée à tous les
bouts de la chaîne. Bien sûr, maintenant, plus que jamais, les mots
manquent pour transmettre ce que j'ai vu et ressenti, et il ne me
reste plus alors qu'à attendre les prochaines rencontres, les
prochains coup de foudre. J'espère au moins avoir réussi à faire
tomber quelques mauvais clichés, et aussi à vous avoir intéressé
un peu...
Merci beaucoup pour ce reportage !
RépondreSupprimerMais je t'en prie... encore une fois, tout le plaisir est pour moi.
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