Rencontre à Tokoname 1 : Shôryû "mes théières sont pour moi un trésor"
Après une
visite à Yokkaichi chez des potiers Banko-yaki, avant que ne
commence la saison 2014 du shincha, il fallait bien prolonger le
plaisir avec une visite à Tokoname. J’ai pu y rencontrer Shôryû,
et visiter l’usine Takasuke.
Pour ceux qui ne le savent pas encore, Tokoname est une ville de la préfecture de Aichi, près de Nagoya, donnant sur la baie d’Ise. Tokoname-yaki est l’une des Six Grandes Poteries Anciennes du Japon, avec 1000 ans d’histoire. Le début du développement de Tokoname-yaki tel qu’on le connaît aujourd’hui ne date cependant que de la fin du 19ème siècle, avec le début de la terre rouge, shudei 朱泥, technique qui s’est basée sur les enseignement d’un potier chinois de Yixing.
C’est aujourd’hui la plus importante zone de production de kyûsu au Japon. Si l'on y trouve le pire, on y trouve aussi le meilleur.
C’est aussi le berceau de la compagnie Inax, grand fabriquant de céramique, notamment de lavabos et de toilettes.
"Mes
théières sont pour moi un trésor" me confie aussi M.
Umehara. Bien sûr, il ne veut pas parler de leur valeur commerciale,
ni même de leur valeur affective, mais de leur apport sociale. C'est
parce qu’il fabrique, avec talent dois-je dire, ces théières
qu'il a pu durant sa vie rencontrer une foule de personnes, lier
nombre d'amitiés, à Tokoname bien sûr, mais aussi dans tout le
pays, des gens liés à la céramique, au thé, à toutes sortes
d'artisanats. Ce medium de rencontres que sont pour lui ses théières
sont de plus universelles, lui permettant même de rencontrer un
français (moi en l’occurrence), une chinoise, vendeuse de puerh à
Hong Kong qui s’intéresse à son travail.
Pour ceux qui ne le savent pas encore, Tokoname est une ville de la préfecture de Aichi, près de Nagoya, donnant sur la baie d’Ise. Tokoname-yaki est l’une des Six Grandes Poteries Anciennes du Japon, avec 1000 ans d’histoire. Le début du développement de Tokoname-yaki tel qu’on le connaît aujourd’hui ne date cependant que de la fin du 19ème siècle, avec le début de la terre rouge, shudei 朱泥, technique qui s’est basée sur les enseignement d’un potier chinois de Yixing.
C’est aujourd’hui la plus importante zone de production de kyûsu au Japon. Si l'on y trouve le pire, on y trouve aussi le meilleur.
C’est aussi le berceau de la compagnie Inax, grand fabriquant de céramique, notamment de lavabos et de toilettes.
Mais
revenons en à notre artisanat traditionnel. Umehara Shôji ,
alias Shôryû 昭龍 est l'un des fils et élèves de Hokuryû 北龍 (aujourd'hui, décédé, un autre de ses fils est en activité sous le nom de Hokuryû),
autre célèbre artisan potier spécialiste des théières kyûsu.
Bientôt 69 ans, voilà un homme en pleine forme, plein de passion,
de ferveur pour les artisanats (pas seulement le sien), qui
m'accueille avec chaleur, et un déluge intarissable de paroles.
Une
chose essentielle pour lui est de prendre plaisir à travailler.
C'est la joie qu'il prend à fabriquer ses théières qui en fait des
objets dont la qualité et le plaisir d'utilisation se transmettent
aux personnes qui ensuite les utilisent. On ne peut pas fabriquer de
bons objets sans y prendre plaisir, sans aimer profondément ce
travail. Cela rejoint tout à fait des propos que m'avait tenu Tachi
Masaki à Yokkaichi. Il y a par ailleurs un autre point sur lequel
Shôryû et Masaki pourraient s'entendre, c'est leur conception des
tarifs. Shôryû préfère aussi en effet ne pas pratiquer des tarifs
trop élevés, car il préfère voir ses théières utilisées par le
plus grand nombre, plutôt que posées sans vie sur des étagères de
collectionneurs.
Prendre
du plaisir – il me semble bien que c'est la notion centrale, ou qui
devrait être centrale, lorsque l'on gravite autour du thé. Prendre
du plaisir à préparer son thé, est une condition, me semble-t-il,
encore plus primordiale que la température de l'eau, le temps
d'infusion, le type d'eau ou de terre !
Ce tout petit bout de terre lui permet de faire une théière de volume relativement important. |
Voilà
qui en dit beaucoup sur la personnalité de cet artisan émérite.
Je
dis bien « artisan », et non pas « artiste »
car Shôryû lui même fait bien la distinction et se considère
lui-même comme artisan, shokunin 職人
en Japonais. Les artistes
fabriquent des œuvres uniques qu'ils sont incapables de reproduire,
alors que l'artisan, à partir de morceaux de terre, est capable,
sans rien mesurer, de reproduire la même forme, aux proportions
quasi-identiques.
Becs, poignées, et différents types de couvercles |
Shôryû
travaille sur la variation classique terre rouge (oxydation, 1200°C,
8 heures de cuisson à 1250°C environ), terre noire (réduction et
fumigation, re-cuisson d'une terre rouge, 4 heures à environ 700°C),
yôhen (deux types sont utilisées).
Il
utilise un mélange de terre au rendu mat que j'apprécie beaucoup.
C'est cette théière ci-dessous, qui m'a rendu fan de Shôryû (mais
la rencontre avec lui, m'a rendu encore plus fan!!).
En fait cette
théière est une œuvre plutôt ancienne et elle ne représente pas
encore bien ce qui fait aujourd'hui la caractéristique la plus
remarquable de Shôryû : la légèreté. Il semblerait que ses
kyûsu soient les plus légers de Tokoname (et peut être donc
du Japon puisque les produits Banko sont assez lourds, à part les
exceptionnelles théières Shôfû). Cette très grande légèreté
est rendu possible par la finesse des parois, une très grande
maîtrise du tour donc, mais aussi par le mélange de terre lui-même,
qu'il a mis plusieurs années à mettre au point.
Il
modèle des théières aux formes très rondes, douces, « féminines »
dit-il lui-même.
Enfin,
caractéristique vraiment unique, la technique appelée « Shôryû
Tenmoku ».
En
voici un exemple sur Thés du Japon, et ci-dessous un autre, de
couleur différente, avec une théière que M. Umehara m'a offerte.
Il
est l'inventeur de cette technique, ne me demandez donc pas comment
c'est fait, car bien sûr, Shôryû garde bien précieusement le
secret. Il lui a fallu deux ou trois ans pour la développer. Ce sont
les motifs qui se crées par jeux d'ombre sur une théière au
travers de rideaux baignés par le soleil que notre artisan a voulu
reproduire.
Cette
visite avait accessoirement pour but de discuter du kyûsu que
je voulais lui commander pour Thés du Japon. Je ne suis pas sûr
qu'elles puissent être mise en ligne avant le shincha, mais il
devrait y avoir 4 théières très proches de la noire que j'aime
tant (200ml à ras bord), version rouge, noire, et deux types de
yôhen !
Après
un déjeuner avec sa femme et l'un de ses fils, Takeshi, qui devrait
un jour prendre sa succession, Shôryû m'a accompagner à l'atelier
Takasuke (dont l'artisan loue lui même les qualités!), avant de
retourné chez pour me montrer différente partie de son travail
(vidéo ici), et même de me faire prendre place devant le tour pour
tenter, en vain de donner une forme à un morceau de terre.
Expérience précieuse qui permet de comprendre concrètement toute
la difficulté et l'incroyable maîtrise nécessaire au artisans
potiers. Lorsque l'on regarde le potier travailler, le modelage se
fait avec fluidité, dans une grande aisance, la terre semble fondre,
pourtant elle est très très dure, lui donner forme demande de la
force, rien à voir avec la terre des ateliers poteries de grand-mère
(Patrick Swayze et Demi Moore peuvent sortir tout de suite !).
Lors
de ma prochaine rencontre avec lui, il faudra que je le convainc de
me faire des théières plus petites. Beaucoup de potiers
n'apprécient guère cela, c'est plus difficile, et cela ne se vend
pas au Japon.
Je
présenterai Takasuke dans mon prochain post.
Superbe !
RépondreSupprimerCet article me donne encore plus envie d'acheter la ravissante théière à reflets mauves... Un de ces quatre certainement ! (en ce moment je tâche d'être raisonnable)