Banko-yaki, visite à Yokkaichi
Il
y a quelques jours, j'ai pu me rendre à Yokkaichi dans le
département de Mie, berceau de la céramique Banko-yaki 萬古焼.
Si
lorsque l'on parle de kyûsu au Japon, le premier nom qui vient à
l'esprit est celui de Tokoname-yaki, celui qui arrive ensuite est
sans aucun doute Banko-yaki.
Les
origines de cet artisanat traditionnel remonteraient au milieu du
18ème siècle, alors qu'un marchand de la ville de Kuwana, amateur
de thé, aurait établi un four à Obuke dans l'actuelle commune de
Asahi pour y fabriquer ses propres ustensiles pour le thé.
Néanmoins, il s'agit alors d'accessoires emaillés et décorés, et ce n'est qu'à la fin du 19ème siècle qu’apparaissent les terres pourpre non émaillées typiques de Banko.
Néanmoins, il s'agit alors d'accessoires emaillés et décorés, et ce n'est qu'à la fin du 19ème siècle qu’apparaissent les terres pourpre non émaillées typiques de Banko.
Aujourd'hui, plus que les théières, ce sont les « donabe »
(土鍋),
sorte de wok en terre, qui constituent la plus importante production
Banko-yaki.
Les
œuvres Banko-yaki sont facilement reconnaissables à leur terre
pourpre (shidei 紫泥),
très riche en fer, qui est en fait jaune avant cuisson. C'est une
cuisson longue (plus de 24 heures) en réduction à 1200°C dans des
fours à gaz qui leur donne ces couleurs caractéristiques. Bien sûr,
il existe toute une variété de pourpre / brun, et même un
même potier ne peut pas obtenir toujours la même couleur, les
différences d'humidité ambiante et de pression atmosphérique
influeraient sur le résultat de la cuisson.
J'ai
eu la chance de pouvoir rencontrer trois artistes, Tachi Masaki 舘正規,
Itô Jitsuzan 伊藤実山,
et Yamamoto Taisen 山本太仙,
et aussi de pouvoir visiter une usine de fabrication au moule, celle
de M. Watanabe (Four Jôryû).
Masaki
est un homme chaleureux, très très loquace, au très fort parler du
kansai. Sa maison/atelier est bien remplie, se sont des centaines de
kyûsu « empilés » dans son hangar, et exposés,
très serrés, dans son salon. Les œuvres de Masaki, présentent
beaucoup de force, de robustesse, et chaleur aussi me semble-t-il, à
l'image de l'artiste lui même. Quelques tasses plus ou moins
grandes, mais pour l'immense majorité, des théières.
Il
me vante les particularités de la cuisson Banko-yaki, impossible à
imiter en Chine (en faisant référence bien sûr aux kyûsu
bons marché made in China), du fait du temps très important qui est
nécessaire.
Par
ailleurs, Masaki utilise parfois d'autres types de terre (Shigaraki
notamment, ou blend de diverses terres), il en profite pour briser un
secret de polichinelle concernant la terre Banko, c'est qu'elle ne
vient pas de Yokkaichi, mais plutôt de montagnes plus éloignées,
ou même de …. Tokoname. La raison en est simple. Yokkaichi, à la
différence de Tokoname ou Bizen par exemple, est une zone très
urbanisée, avec de très grands complexes industriels, donc la
« terre » (terrain) y est très cher, donc la « terre »
(glaise) aussi.
Pour
en revenir au travail de Masaki, il fabrique aussi des objets avec
les techniques yôhen 窯変,
qui donnent des variations de couleurs et de textures aux terres en
les recouvrant de cendre, ou en les enfouissant dans des glumes de
riz par exemple.
Itô
Jitsuzan, plus âgé que Masaki, contraste avec lui aussi par sa
personnalité, son intérieur propret, et tout cela semble se refléter dans
ses œuvres également.
Jitsuzan
est plus posé, calme, il n'est pas non plus avare en paroles, mais
en cherche pas à mettre en avant son travail. En plus d'une grande
quantité de théières, je remarque nombre de petites jarres, des
encensoirs, et même des petites théières de type chinois. Jitsuzan
a pratiqué le sencha-dô, fabriquant ses propres accessoires, même
des ryôro et bufura (petites bouilloires en terre et
leur réchauds, mais il n'en fait plus aujourd'hui). Une de ses
spécialités est la fabrication de théières avec des petits grelots
dans le couvercle.
J'apprécie
particulièrement la grâce de ses objets, la couleur de ses terres.
Très
vite, sa femme s'empresse, elle, ne me montrer ses talents : une
technique traditionnelle de Yokkaichi, appelée kata-banko
型萬古,
de fabrication de théières sur des espèces de moule/puzzles en
bois sur lesquels on applique la terre que l'on aplatie ensuite à
l'aide de papier, donnant des objets aux parois d'une finesse
incroyable.
kata-banko |
Chez
Yamamoto Taisen, c'est encore un autre style. Plutôt qu'un atelier
d'artisan, me voilà dans la tanière de l'artiste. L'homme aussi
semble moins loquace, plus timide peut être. Taisen a étudié la
fabrication de la porcelaine, des émaux pour la fabrication d'objet
pour la cérémonie du thé ou du sencha. Autant d'expériences qu'il
pense pouvoir mettre à profit pour la création de théières.
Ainsi, c'est une production aux styles très hétéroclites que l'on
trouve dans son petit atelier, au milieu des pigments pour les
peintures de motifs qu'il réalise lui-même sur ses émaux et
porcelaines. Les terres pourpres typiques de Banko sont bien sûr au
rendez vous, mais on trouve nombre de terres différentes, des effets
yôhen par fumigation ou jeu sur les sources de chaleur. Certaines de
ses terres, très légères, semblent aussi très tendres, elles sont
chaleureuses au touché, et les variations de couleurs, du noir à
l'orangé, sont fabuleuses.
C'est sur ces objets que l'on fabrique les filtres |
Enfin,
j'ai pu visiter le "four Jôryô", l'usine de M. Watanabe.
Ici il s'agit de production en quantité, même si les volumes ne
sont plus ce qu'ils étaient.
Production
de masse, au moule, ne veut pas dire qu'il s'agit d'un travail
automatisé où la main de l'homme n'interviendrait pas.
Une charmante grand-mère place les filtres métalliques |
Mais
à Yokkaichi, dans certaines usines, on ne se limite pas à cela. On
utilise une technique de moule rotatif (dendô ikomi 電動鋳込) dans lequel est insérée la
terre, qui est modelée par l'intérieur à l'aide d'une sorte de
bras monté sur levier. La pièce est donc en partie tournée, et la
technique demande une certaine expertise de la part du manipulateur.
Une autre particularité de cette technique est que contrairement aux
moules classiques dans lesquels on injecte de la terre sous forme
presque liquide, dans le cas du moule rotatif la terre utilisée est
dans un état très proche de celle utilisée dans le cas de
fabrication manuelle au tour.
Terre brute jaune (qui deviendra pourpre) |
Compresseur pour filtrerq la terre |
Terre sortie du filtre |
Avant cuisson |
Four gigantesque (imaginez la facture de gaz !) |
Engin monté sur rails sur lequel les terres seront enfournées |
Il
y a sur TdJ sept nouvelles théières de potier Banko-yaki. Il y en aura d'autres
plus tard, avant ou après la saison du shincha.
Très intéressant Florent, merci beaucoup !
RépondreSupprimerMerci pour le reportage !
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